Une quarantaine de familles se retrouvent chaque fin de semaine dans ce jardin du centre de Paris, où les enfants s'amusent en groupe et les parents discutent. Leur point commun: ils pratiquent l'instruction à domicile.
Un choix qui séduit des parents déçus de l'école, méfiants vis-à-vis de l'institution, contraints par la maladie ou le handicap de leur enfant, ou encore pour des raisons confessionnelles.
Ils ont cette liberté: en France, c'est l'instruction qui est obligatoire, pas l'école. Seule une infime minorité de petits Français en âge d'aller en classe est aujourd'hui concernée (0,3%) par ce mode d'enseignement. Mais le nombre d'enfants scolarisés à domicile a quasiment doublé entre 2008 (13.500) et 2015 (près de 25.000).
La déscolarisation se fait parfois en cours d'année, parce que l'enfant est "en souffrance". Virginie raconte que son fils de 5 ans, inscrit en maternelle, faisait "des cauchemars", ne supportait pas les bagarres dans la cour de récré, devenait lui-même agressif.
"On a longuement réfléchi, on s'est dit qu'il n'avait pas besoin d'être en collectivité si c'était trop difficile pour lui", confie-t-elle. Déscolarisé depuis quelques mois, le changement est "miraculeux", se félicite cette mère, convaincue que "de nombreux enfants ne sont pas heureux à l'école".
Parfois, les enfants n'y mettent pas les pieds avant l'adolescence.
Jean-Paul Boulet a fait l'amère expérience de l'échec scolaire avec ses deux fils, pour des raisons différentes: "l'un était précoce et s'ennuyait en cours", "l'autre ne suivait pas en classe". Lorsqu'il a eu sa fille, il s'est dit avec sa femme qu'elle ne "passerait pas par là".
Après avoir regardé des écoles aux méthodes alternatives type Montessori, qu'ils jugent "trop chères", c'est une publicité dans leur région (Pyrénées orientales) qui les a décidés à faire les cours à la maison.
"On apprend avec la vie"
Quand la fillette était au niveau primaire, ils consacraient moins de deux heures par jour à la faire travailler, et ajoutaient aux leçons des "activités parascolaires en pagaille" (sport, activités artistiques, sorties culturelles..).
Une fois au collège, ils ont utilisé les cours par correspondance. "Je faisais des chantiers, ma femme de la comptabilité à distance. Nous étions tous les deux très disponibles", concède-t-il. Une condition indispensable pour choisir ce mode d'éducation.
Sa fille a désormais réintégré un lycée, avec plaisir, "parce qu'elle en avait envie", explique-t-il. "Elle savait qu'elle pouvait décider d'arrêter si ça ne lui plaisait pas".
Chaque année, un inspecteur vérifie que le socle commun de connaissances est acquis. Si certains parents imposent à leurs enfants des horaires de travail, un peu comme à l'école, d'autres profitent des activités du quotidien pour les instruire. "On apprend avec la vie, mais ce n'est pas du travail: par exemple on fait des maths en cuisinant un gâteau", explique Hortense, 12 ans.
Elle considère comme une "chance" de ne pas aller à l'école: "on n'est pas stressé et on a le choix dans ses activités". "Elle ne passera le bac que si elle en a envie", appuie sa mère.
C'est aussi "le système" qui est rejeté par ces familles, au bagage culturel souvent élevé, et en quête d'une philosophie éducative différente. "Je pense qu'il est difficile aujourd'hui d'être motivé par l'école", lâche Caroline Pinet, mère de huit enfants instruits à domicile, qui avait pourtant fait des études pour devenir enseignante, et est mariée à... un prof.
"Formatage, esprit de compétition... Je ne voyais pas l'intérêt de mettre mon enfant à l'école", confie de son côté Manon, qui n'a elle-même fréquenté les bancs de l'école que cinq jours dans sa vie. Pianiste, elle explique avoir fait ce qu'elle avait envie et espère bien qu'il en sera de même pour son fils de 5 ans.
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