Timoci Naulusala, 12 ans, décrivait, dans un anglais impeccable, son île en train d'être rayée de la carte par la montée de l'océan. Mais à l'évocation du cyclone Winston qui bouleversa sa vie l'an dernier, son débit s'est soudain ralenti.
"Ma maison, mon école, ma source de nourriture, d'eau, d'argent, ont été détruites. Ma vie était un chaos. Je me suis demandé: +que se passe-t-il ? Que vais-je faire ?+"
La réponse à la première question de Timoci est connue.
"Le changement climatique est là. Il est dangereux. Et il est sur le point de devenir bien pire", souligne le climatologue Johan Rockström, directeur du Stockholm Resilience Centre.
Avec 1°C de réchauffement enregistré depuis la période préindustrielle, la planète a déjà vu croître et s'accentuer sécheresses, vagues de chaleur, tempêtes meurtrières.
En adoptant l'accord de Paris en 2015, la communauté internationale s'est engagée à contenir le réchauffement "bien en deçà" de 2°C. Un objectif difficile à atteindre, qui pourrait ne pas suffire à sauver Fidji, l'organisateur de la COP23, et des dizaines d'autres petites îles.
Mais la seconde question posée par Timoci reste sans réponse: que va-t-il faire ? Et que va faire le monde ?
La réponse - exposée dans la Convention de l'ONU sur le climat de 1992 - paraissait simple: l'humanité doit cesser de charger l'atmosphère de gaz à effet de serre (GES), à l'origine de ce réchauffement inédit.
Le succès des mesures pour combler le trou dans la couche d'ozone suggérait le moyen d'y parvenir: un traité international.
Mais il aura fallu plus de 25 ans pour en conclure un, et il est cruellement insuffisant: les engagements de réduction d'émissions pris par les pays conduisent à ce stade à +3°C.
Depuis Paris, les conférences climat de l'ONU, les COP (conférence des parties), se sont concentrées sur l'élaboration d'un manuel d'application du traité, qui entre en vigueur en 2020.
Bureaucratique et byzantin
Au fil des années, le processus bureaucratique et byzantin de ces forums, où des centaines de diplomates peuvent discuter d'un mot pendant des jours, aura lutté pour rester en phase à la fois avec le problème et ce que certains négociateurs appellent "le monde réel".
"Ce qui est en jeu, c'est la pertinence du processus de COP", estime le chef de la délégation nicaraguayenne, Paul Oquist, déplorant la lenteur des pourparlers. "Nous ne pouvons pas prendre le risque de devenir de moins en moins pertinents à chaque conférence", dit-il.
Or, la fenêtre pour éviter un cataclysme climatique est de plus en plus étroite.
Durant leurs travaux entamés à Bonn le 6 novembre, les négociateurs ont appris que les émissions de CO2 allaient augmenter de 2% en 2017, après trois années de stabilité, un "recul pour l'humanité", selon les scientifiques.
Les chercheurs ont aussi mis en garde contre des seuils de température ("points de bascule") au-delà desquels la fonte des glaces libèrerait assez d'eau pour élever le niveau des mers de plusieurs mètres.
Les négociations sont aussi à la traîne par rapport aux actions menées par les villes, les régions et les entreprises.
"Pour la première fois dans l'histoire des COP, le coeur de l'action n'était pas dans la zone des négociations mais dans la zone +verte+ (des actions): ce ne sont pas les négociations qui ont été au centre du jeu, mais les actions des acteurs non-étatiques", note David Levaï, de l'Institut des relations internationales (Iddri).
Environ 7.500 villes et collectivités se sont fixé des objectifs de réduction d'émissions de CO2, et des centaines d'entreprises mondiales se sont engagées vers un monde bas-carbone.
Un diplomate européen a déploré le manque de dynamisme dans la zone de négociations. "Je n'ai jamais vu une COP avec un taux d'adrénaline aussi bas", a-t-il dit à l'AFP.
Mads Randboll Wolff, un expert danois de bioéconomie - une discipline qui n'existait pas il y a dix ans - se souvient quant à lui du fiasco de la COP de Copenhague en 2009.
"Le monde entier avait les yeux tournés vers la tribune, attendant que les dirigeants du monde concluent l'accord qui nous sauverait", dit-il. "L'une des leçons de Copenhague est que les négociations ne suffisent pas", ajoute-t-il.
"Nous en avons besoin. Mais nous avons aussi besoin de la société civile - les gens, les citoyens - pour agir".
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