Ancienne puissance mandataire du Liban, la France a joué les médiateurs et le président Macron a invité à Paris M. Hariri et sa famille "pour quelques jours", afin de sortir de l'impasse née de sa démission annoncée le 4 novembre depuis Ryad. Une solution acceptée par M. Hariri avec l'accord du parrain saoudien.
"M. Hariri a quitté l'aéroport de Ryad à bord de son avion privé et en compagnie de son épouse pour l'aéroport du Bourget" près de Paris, a annoncé Future TV, chaîne appartenant à la famille Hariri, vendredi à 23h20 GMT, sans préciser si le couple était accompagné de leurs enfants.
Son arrivée était prévue vers 07h00 heure locale (06h00 GMT), selon le temps de vol indiqué par une source très proche de M. Hariri.
Saad Hariri s'est entretenu avant son départ avec l'homme fort de l'Arabie saoudite, le prince héritier Mohammad ben Salmane. "Il a tenu une réunion excellente, fructueuse et constructive avec le prince héritier", a confié à l'AFP une source proche du dirigeant sous couvert de l'anonymat.
Le séjour prolongé de M. Hariri dans le royaume et le fait qu'il ne soit pas revenu au Liban pour remettre par écrit sa démission au président de la République comme le veut la tradition fait l'objet d'intenses spéculations. Le président Michel Aoun l'a qualifié récemment d'"otage" de l'Arabie saoudite.
"Dire que je suis retenu en Arabie saoudite et interdit de quitter le pays est un mensonge. Je suis en route pour l'aéroport", a écrit M. Hariri dans un tweet avant son départ de Ryad.
Dans un tweet précédent, il avait affirmé que son séjour en Arabie saoudite visait "à mener des consultations concernant l'avenir du Liban et ses relations avec ses voisins arabes". "Tout ce qui se dit (...) sur mon séjour (...) n'est que rumeurs", avait-il ajouté.
Signe de tension, l'Arabie saoudite a décidé de rappeler son ambassadeur à Berlin pour protester contre des déclarations du ministre allemand des Affaires étrangères Sigmar Gabriel laissant entendre notamment que M. Hariri était retenu contre son gré à Ryad, a annoncé samedi l'agence officielle saoudienne SPA.
Risque d'escalade ?
Jeudi, M. Gabriel avait déclaré lors d'une conférence de presse à Berlin avec son homologue libanais Gebrane Bassil que "le Liban risque de retomber dans de graves confrontations politiques et peut-être militaires".
"Afin de prévenir ceci, nous avons en particulier besoin du retour du Premier ministre actuel", avait-il souligné. Il avait fermement mis en garde: le Liban "ne doit pas devenir un jouet de (...) la Syrie, de l'Arabie saoudite ou d'autres".
Le chef de la diplomatie française Jean-Yves Le Drian avait, lui, rencontré jeudi M. Hariri à Ryad, où le chef de la diplomatie saoudienne Adel al-Jubeir avait assuré qu'il était libre de partir "quand il veut".
Détenteur de la nationalité saoudienne, M. Hariri, 47 ans, possède une résidence à Ryad où sa famille est installée. Ce protégé de l'Arabie saoudite a repris le flambeau politique à la mort de son père, Rafic Hariri, un ancien Premier ministre tué dans un attentat à Beyrouth en 2005 pour lequel cinq membres du Hezbollah chiite libanais sont accusés.
En annonçant sa démission, M. Hariri avait invoqué la "mainmise" du Hezbollah --membre du gouvernement et soutenu par l'Iran-- sur la vie politique au Liban et des craintes pour sa vie, au moment où Ryad fulminait contre les ingérences prêtées au rival iranien dans la région.
Pour plusieurs médias libanais, si M. Hariri devait confirmer sa démission, la crise s'aggraverait au Liban.
Proche de M. Aoun, le ministre libanais des Affaires étrangères Gebrane Bassil a prévenu jeudi qu'en cas d'ingérence étrangère, son pays risquait de connaître le même sort que la Syrie voisine, ravagée par une guerre civile complexe et où l'implication militaire du Hezbollah auprès du régime divise le Liban.
Vendredi à Moscou, M. Bassil a accusé certaines parties qu'il n'a pas nommées de chercher à "déloger le chef de l'Etat libanais", élu avec le soutien actif du Hezbollah.
Son homologue russe Sergueï Lavrov a plaidé pour une solution "sans intervention extérieure et par le dialogue".
L'Iran critique la France
Jeudi, le chef de la diplomatie saoudienne s'en est violemment pris au Hezbollah. "C'est une organisation terroriste de première catégorie", a-t-il soutenu, en l'accusant d'avoir "pris en otage l'Etat au Liban et d'être devenu un instrument aux mains" de l'Iran.
A ses côtés, M. Le Drian a déclaré que la France était "inquiète" de la "tentation hégémonique" de l'Iran au Moyen-Orient, s'attirant les foudres de Téhéran.
"Malheureusement, il semble que la France a un regard partial et partisan sur les crises de la région et cette approche, volontairement ou involontairement, aide même à transformer des crises potentielles en crises réelles", a déclaré le ministère iranien des Affaires étrangères.
Le président Macron a, lui, affirmé que "le rôle de la France est de parler à tout le monde", soulignant sa volonté de "dialoguer" avec l'Iran.
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