Après un mois de négociations laborieuses, les quatre partis politiques (CDU, CSU, FDP, Verts) qui tentent de mettre sur pied une coalition ont finalement décidé dans la nuit de jeudi à vendredi de prolonger leurs discussions au delà du 16 novembre, date-butoir fixée jusqu'ici par la chancelière.
Si nécessaire, ces négociations, qui se tiennent à huis-clos et dans une atmosphère tendue, se poursuivront "durant tout le week-end", a avancé l'une des figures des conservateurs bavarois (CSU), Alexander Dobrindt.
Peu avant la reprise des travaux vendredi midi, Angela Merkel a admis que les prochaines séances seraient "certainement dures" mais "malgré les difficultés (...) cela vaut la peine d'aller dans un second tour" de discussions, notamment sur la question brûlante de l'immigration sur laquelle bataillent conservateurs et écologistes.
Merkel au pied du mur
Angela Merkel se retrouve plus que jamais au pied du mur. Si la dirigeante des conservateurs ne parvient pas à élaborer une feuille de route pour gouverner avec le parti libéral (FDP) et les Verts, les Allemands devront sans nul doute retourner aux urnes. Un scrutin qui pourrait signer le clap de fin pour la chancelière.
Mais la perspective d'une élection n'allèche personne notamment parce qu'elle risquerait de donner des ailes à l'extrême droite. L'Alternative pour l'Allemagne (AfD), avec son discours anti-immigration, anti-islam et anti-Merkel, a fait une entrée fracassante à la chambre des députés, raflant 92 sièges.
C'est justement sur l'immigration, sujet phare en Allemagne depuis l'afflux de réfugiés de 2015, que les négociations pourraient échouer en raison de positions idéologiques aux antipodes.
"Nous avons tenté de bâtir des ponts mais jusqu'ici nous avons malheureusement échoué", a reconnu Wolfgang Kubicki, chef du groupe parlementaire libéral.
Face à l'émergence de l'AfD et à la pression des plus conservateurs de son parti, Angela Merkel a promis de donner un sérieux tour de vis en matière d'accueil des demandeurs d'asile après avoir décidé d'ouvrir les portes de son pays à plus d'un million d'entre eux en 2015-2016.
Sa famille politique veut limiter le nombre de nouveaux demandeurs d'asile à quelque 200.000 par an.
Face à l'épouvantail AfD qui leur a dérobé de nombreuses voix lors du scrutin du 24 septembre, les conservateurs en font même une question de principe.
Particulièrement épineuse, la question du regroupement familial fait l'objet d'une âpre bataille. Les écologistes exigent une reprise l'an prochain des regroupements familiaux pour les réfugiés n'ayant obtenu qu'un titre de séjour d'un an renouvelable (la protection subsidiaire). Les camps conservateur et libéral refusent catégoriquement.
Or les Verts refusent de bouger d'un iota, considérant avoir fait suffisamment de compromis dans d'autres dossiers, notamment sur la sortie du charbon et des moteurs à combustion.
La politique fiscale et notamment l'éventuelle suppression d'un impôt créé en soutien aux régions déshéritées de l'ex-RDA, demeure également une pomme de discorde.
Rien n'a filtré sur d'éventuelles avancées concrètes, mais les négociateurs se disputent aussi sur les dossiers Europe et environnement.
'Championne de la mise en scène
Vendredi peu après 4 heures du matin, à l'issue de 15 heures de négociations sans relâche, les responsables politiques affichaient en tout cas des mines fermées.
"Les fronts se sont durcis", a même affirmé Wolfgang Kubicki. "Après quatre semaines (de discussions), nous n'avons pas avancé sur des points essentiels", selon lui.
De son côté, le Parti social-démocrate (SPD), qui a choisi de faire une cure d'opposition après un échec retentissant lors des législatives de septembre, n'a pas mâché ses mots concernant Mme Merkel qui refuse selon lui de trancher.
"La chancelière de l'à-peu-près (...) fait ce qu'elle a toujours fait: elle regarde", a critiqué le dirigeant du SPD, Martin Schulz. Pour lui, "la championne de la mise en scène (...) fait monter la pression pour que la plus petite des réussites nous soit vendue comme un grand succès".
Comme M. Schulz, de nombreux observateurs estiment que la chancelière use de l'avantage fourni par une endurance éprouvée à maintes reprises lors de sommets européens.
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