Bernard Laporte l'a martelé: l'Hexagone, opposé à l'Irlande et surtout à une Afrique du Sud qui bénéficie du soutien de l'instance mondiale, a un besoin vital d'organiser de nouveau la grand messe du ballon ovale, après 2007, pour redonner un coup de fouet au rugby français, par les recettes générées et l'exposition induite.
Alors que sa vitrine, le XV de France, est en plein marasme sportif et que le nombre de licenciés est en baisse (- 16.500 en 2016-2017), dans un contexte général d'inquiétudes croissantes quant à la violence de ce sport.
Il y a 10 ans, Laporte n'avait alors pas encore revêtu le costume de président de la Fédération française de rugby (FFR), mais s'apprêtait à troquer le survêtement de sélectionneur des Bleus pour embrasser une nouvelle (et courte) carrière d'homme politique, au secrétariat aux Sports (2007-2009).
C'est justement d'une bonne dose d'habileté politique dont il aura dû faire preuve ces deux dernières semaines pour convaincre les votants de confier à la France l'organisation de la Coupe du monde 2023.
La candidature tricolore, lancée par la précédente direction fédérale et reprise avec énergie en janvier dernier par Laporte et Claude Atcher, directeur de France-2023, ne part en effet pas favorite.
Attaques tous azimuts
Le duo a eu beau clamer ces derniers mois, avec beaucoup de confiance, avoir le meilleur dossier, en termes financier (somme reversée à World Rugby, et donc aux fédérations) et d'infrastructures (stades, hôtels, transports), le panel d'experts internes et externes de la Fédération internationale en a en effet décidé autrement, le 31 octobre.
A la surprise du camp français, il a en effet placé d'une courte tête l'Afrique du Sud, qui a déjà accueilli la compétition en 1995, devant la France, l'Irlande (jamais organisateur) suivant un peu plus loin.
Cette décision a déclenché l'ire de Laporte et Atcher.
Ils ont d'abord, à grands coups d'interventions médiatiques, dénoncé un rapport plaçant la France derrière l'Afrique du Sud en terme d'infrastructures, une absurdité selon eux puisque l'Hexagone dispose de stades rénovés ou construits pour l'Euro-2016 de football et d'un parc hôtelier de premier plan.
Les deux hommes forts de la candidature française ont aussi attaqué sous l'angle de la sécurité, stupéfaits que les deux pays soient classés à égalité "alors qu'il y a 52 morts (meurtres, NDLR) par jour en Afrique du Sud". "C'est un truc de fou!" s'est emporté Laporte.
Avant de coucher par écrit ces récriminations dans un courrier officiel adressé à World Rugby, lui demandant de modifier le rapport.
Report de voix
L'instance qui gère le rugby mondial ne l'a évidemment pas fait et s'est dite "préoccupée" par ces critiques. L'Irlande a également fait part de son étonnement, mais de façon plus policée.
World Rugby a aussi rappelé que ce processus de sélection "transparent et objectif" avait "bénéficié du soutien des fédérations candidates", avant d'apporter des "clarifications" à la France et à l'Irlande, ainsi qu'aux votants, les membres de son conseil.
Ce sont ceux-ci qu'il aura donc fallu convaincre ces deux dernières semaines.
Surtout les indécis ou ceux qui, devant le retard annoncé des Irlandais, pourraient décider de changer de décision avant le premier tour ou le second, si jamais l'Irlande n'y participait pas, éliminée.
L'autre grande question est de savoir si les votants suivront aveuglément les recommandations de World Rugby, ce qu'a d'ores et déjà annoncé faire Steve Tew, le président de la Fédération néo-zélandaise.
Si une majorité des autres votants l'imitent, Laporte n'aura plus 2023 pour perspective.
Mais uniquement le résultat, attendu ces prochaines semaines, de l'enquête diligentée à son encontre par le ministère des Sports pour des soupçons de favoritisme. Un horizon beaucoup plus proche et moins excitant.
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