Les plaintes déposées pour violences sexuelles qui dénoncent notamment des faits de harcèlement sexuel, d'agression sexuelle et de viol ont augmenté en octobre de 30% en zone gendarmerie (+360 faits) et de 23% (+445 faits) en zone police, par rapport à la même période de l'année précédente, selon un décompte fourni lundi par le ministère de l'Intérieur.
Dans la foulée de l'appel viral #balancetonporc ou #metoo visant à dénoncer sur les réseaux sociaux harcèlement et agressions sexuelles, la libération de la parole a eu "clairement un effet" dans le nombre de plaintes déposées dans les services de police et de gendarmerie, selon une source au sein du ministère de l'Intérieur.
La révélation début octobre de l'affaire Weinstein, ce producteur américain accusé par une centaine de femmes de harcèlement sexuel, a provoqué une véritable onde de choc en France comme ailleurs.
"Il est évident que ce n'est pas une hausse des faits mais des déclarations. La parole s'est libérée, c'est indéniable", estime Maryse Jaspard, socio-démographe, qui a coordonné la première Enquête nationale sur les violences envers les femmes en France (Enveff) réalisée en 2000.
Il y a "un vrai phénomène lié à la médiatisation, aux réseaux sociaux", qui pousse des personnes à témoigner alors qu'elles n'avaient pas osé le faire "jusque-là", observe Mme Jaspard qui se dit guère étonnée par le taux d'augmentation, dans la mesure où peu de femmes victimes osaient se manifester.
Seules 10% des victimes de viol portent plainte, et à peine 1% des violeurs sont condamnés, selon le Haut Conseil à l'égalité entre les femmes et les hommes (HCE).
Face à cette hausse des plaintes, "la justice est prête à faire face", a assuré la ministre de la Justice, Nicole Belloubet, lundi sur RTL.
La Garde des Sceaux a ouvert la porte à des "pré-plaintes en ligne" dans le cadre des violences sexuelles: "cela existe pour les atteintes aux biens. Je ne vois pas pourquoi nous ne pourrions pas le faire dans ce cadre-là".
Projet de loi
Une note-express sur l'action de la gendarmerie en matière de violences faites aux femmes a par ailleurs été envoyée le 10 novembre par le directeur général de la gendarmerie nationale (DGGN) Richard Lizurey à tous les gendarmes et aux préfets.
"La lutte contre les violences faites aux femmes exige une mobilisation de l'ensemble des échelons et unités de la gendarmerie nationale et s'inscrit dans le cadre d'une manoeuvre globale, associant tous les partenaires en charge de la prévention et de l'accompagnement des victimes", rappelle le DGGN.
Selon la secrétaire d'Etat à l'Égalité femmes-hommes, Marlène Schiappa, le président Emmanuel Macron s'exprimera au sujet des violences sexuelles le 25 novembre, à l'occasion de la Journée internationale pour l'élimination des violences faites aux femmes.
Reste à savoir si ce mouvement de dépôt de plaintes va se prolonger au-delà de la déferlante médiatique et de l'émotion suscitée par la profusion des témoignages, dans les médias et les réseaux sociaux.
"Cela va retomber" surtout si "les déclarations portent sur des affaires anciennes", avec des femmes rapportant par exemple des cas de harcèlement qui auraient pu ne pas être considérés comme tel il y a quelques années, anticipe Maryse Jaspard.
Mais s'il s'agit d'"affaires récentes", d'agressions sexuelles déclarées plus tôt, "il faut espérer que le mouvement continuera" et que "les femmes s'adresseront beaucoup plus facilement aux services de police, de justice, etc.", ajoute la chercheuse.
Le gouvernement prépare pour 2018 un projet de loi contre les violences sexistes et sexuelles. Une concertation a été lancée auprès des acteurs du secteur (policiers, magistrats ...), et les citoyens sont invités à contribuer au futur texte.
L'aspect le plus débattu est une verbalisation du harcèlement de rue, cette "zone grise" entre séduction et agression sexuelle ou injure publique.
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