Le Goncourt, le plus prestigieux des prix littéraires du monde francophone, a été décerné à Éric Vuillard pour "L'ordre du jour" (Actes Sud), récit saisissant sur l'arrivée au pouvoir d'Hitler, l'Anschluss et le soutien sans faille des industriels allemands à la machine de guerre nazie.
Le Renaudot est allé à Olivier Guez pour "La disparition de Josef Mengele" (Grasset), récit sur les dernières années du médecin tortionnaire d'Auschwitz en exil en Amérique du Sud.
"C'est l'écriture qui fait la littérature", faisait remarquer Éric Vuillard lors de la remise de son prix la semaine dernière, devançant d'éventuelles critiques.
Pierre Assouline, membre de l'académie Goncourt, soulignait récemment, dans un éditorial du Magazine littéraire, qu'"on ne se félicitera jamais assez de ce que les écrivains s'affranchissent des règles et des conventions" propres au roman.
Ce point de vue n'est pas unanimement partagé. "Ceux qui ont le mauvais goût d'attendre plus de la littérature iront se rhabiller", a regretté la critique littéraire des Inrockuptibles, Nelly Kaprièlian. "Le refus de regarder le XXIe siècle en face est une épidémie qui sévit actuellement chez les auteurs français", juge sévèrement la journaliste littéraire de la Tribune de Genève, Marianne Grosjean.
Parmi les finalistes du Goncourt se trouvaient également Véronique Olmi pour "Bakhita" (Albin Michel), histoire vraie d'une esclave soudanaise devenue sainte de l'Église catholique et Alice Zeniter qui revient dans "L'art de perdre" (Flammarion) sur l'histoire des harkis, ces Algériens restés du côté de la France pendant la guerre d'Algérie.
Ces deux dernières romancières sont encore en lice pour le Goncourt des lycéens, le prix littéraire qui génère le plus de ventes.
Le précédent des Bienveillantes
L'Histoire a toujours été un puissant vecteur en littérature.
Ces dernières années, plusieurs livres ayant l'Histoire comme sujet ont triomphé lors des remises de prix littéraires. On se souvient notamment de l'imposant roman (près de 900 pages) du franco-américain Jonathan Littell, "Les Bienveillantes" (Gallimard), mémoires (fictives) d'un officier SS ayant participé à l'Holocauste.
Ce livre a cumulé, en 2006, le prix Goncourt et le Grand prix du roman de l'Académie française.
Pour rester dans le seul prisme de la Seconde Guerre mondiale, il y a eu ces dernières années "HHhH" (Grasset) de Laurent Binet, relatant l'assassinat en 1942 du "boucher de Prague", Reinhard Heydrich, qui a obtenu le Goncourt du premier roman en 2010 ou encore "Jan Karski" (Gallimard) de Yannick Haenel (lauréat cette année du Médicis), un récit sur la vie du résistant polonais qui avait tenté d'alerter les Alliés de l'extermination des Juifs d'Europe. Ce livre, en lice à l'époque pour le Goncourt, avait reçu en 2009 le prix du roman Fnac et le prix Interallié.
Si on observe à la loupe les livres publiés à l'occasion de la rentrée d'automne, on remarque que la Seconde Guerre mondiale a inspiré de nombreux auteurs.
Outre Vuillard et Guez, on peut citer, sans être exhaustif, Alexis Ragougneau (jusqu'à la deuxième sélection du Goncourt) avec "Niels" (Viviane Hamy), Nicolas d'Estienne d'Orves (finaliste de l'Interallié) avec "La gloire des maudits" (Albin Michel), Frédéric Verger ("Les rêveuses", Gallimard), Philippe Pollet-Villard ("L'enfant-mouche", Flammarion), Valère Staraselski ("Le Parlement des cigognes", Cherche-Midi) ou encore Alexandre Lacroix ("La muette", Don Quichotte).
Pierre Assouline a reconnu (dans la revue L'Histoire où il écrit) qu'"il y a (chez les écrivains contemporains) une paresse de l'imaginaire, un manque d'audace, un défaut de confiance dans sa subjectivité, une absence de risque, un déficit d'assurance, à ne pas se colleter avec son époque et à refuser de se projeter dans l'avenir proche".
Sauf, ajoutait celui qui a soutenu le livre de Vuillard, si l'écrivain se donne pour ambition "de dépasser" des personnages "déjà construits et célèbres" ou des "événements avérés".
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