Lors d'une cérémonie à Bruxelles, les ministres de la Défense et des Affaires étrangères des Etats membres qui participeront à cette "coopération structurée permanente" (CSP) doivent signer un ensemble de 20 "engagements" pour développer des programmes d'armements ou faciliter la mise sur pied d'opérations extérieures.
"C'est une grande avancée (...) peut-être le projet le plus ambitieux de l'Union européenne actuellement", a estimé récemment la ministre espagnole de la Défense María Dolores de Cospedal, dont le pays a, avec l'Italie, rejoint la France et l'Allemagne qui avaient pris cet été l'initiative de relancer la CSP.
Depuis l'échec de la mise en place d'une Communauté européenne de Défense (CED) il y a 60 ans, les Européens n'ont jamais réussi à avancer dans ce domaine, la plupart des pays gardant jalousement la main sur ce qui, à leurs yeux, relevait strictement de la souveraineté nationale.
Mais une succession de crises depuis 2014 (annexion de la Crimée par la Russie et conflit dans l'est de l'Ukraine, vague de réfugiés), puis le vote du Brexit et l'arrivée au pouvoir de Donald Trump ont changé la donne.
Les Européens ont engagé plusieurs chantiers pour "prendre leur destin en main", comme l'a résumé la chancelière allemande Angela Merkel.
En théorie, cette coopération renforcée peut déboucher sur la mise sur pied d'un quartier général opérationnel pour des unités de combat ou d'une plateforme logistique d'opérations.
'Duperie'
Dans un premier temps, elle est surtout susceptible de prendre la forme de projets - à quelques-uns - de développement de matériel (chars, drones, satellites ou avions de transport militaire) ou encore d'un hôpital de campagne européen.
Car, pour la plupart des diplomates et experts, la vision française de la CSP, exigeante car tournée vers la participation à des missions potentiellement risquées, a été supplantée par la vision allemande, moins ambitieuse mais soucieuse de faire participer le plus grand nombre de pays.
"A une vingtaine de pays, avec une multitude de projets, c'est clairement une vision allemande qui l'a emporté, à savoir qu'il fallait éviter une fracture au sein des 27", analyse Frédéric Mauro, expert des questions de défense régulièrement interrogé par le Parlement européen.
"Aujourd'hui, on est à des années lumière" de la coopération structurée permanente telle que prévue dans les traités, regrette-t-il. "Ca n'a aucune chance de marcher", ajoute l'expert, dénonçant "une duperie".
Mais, soulignent plusieurs sources à Bruxelles, les pays qui rejoignent la CSP s'engagent à "augmenter régulièrement leurs budgets de défense" et les engagements qu'ils vont notifier lundi seront "juridiquement contraignants".
Ils promettent également d'injecter 2% des budgets totaux des armées dans la recherche et la technologie et 20% du total de leurs budgets de défense pour du matériel permettant de "combler" certaines "lacunes stratégiques" des armées européennes.
L'objectif affiché est également de pouvoir mettre sur pied plus rapidement des missions militaires de l'UE, souvent pénalisées par le manque d'entrain des Etats à mettre à disposition des soldats.
5,5 milliards
Les signataires s'engagent ainsi à "soutenir de façon substantielle" ces missions "avec du personnel, du matériel, des entraînements, du soutien pour des exercises (et) des infrastrucures".
Le Royaume-Uni, traditionnellement atlantiste et premier budget militaire de l'UE, s'est toujours farouchement opposé à tout ce qui pouvait évoquer de près ou de loin une "armée européenne", considérant que la défense territoriale de l'Europe était l'unique prérogative de l'Otan.
Toutefois, alors que le Brexit approche -- la sortie du Royaume-Uni de l'UE est prévue le 29 mars 2019 --, les Européens ont décidé d'aller vite.
L'UE est ainsi en passe de se doter d'un fonds pour stimuler l'industrie européenne de la défense, qui sera à terme doté de 5,5 milliards d'euros par an. Elle a aussi créé au printemps son premier QG militaire, qui pilote trois opérations non combattantes en Afrique.
Le Royaume-Uni et le Danemark sont les deux seuls pays ayant clairement fait savoir qu'ils ne souhaitaient pas participer à la CSP, qui sera officiellement lancée en décembre. Un Etat tiers pourra toutefois être "exceptionnellement invité" à participer à certains projets.
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