C'est là qu'ils dorment, souvent à même le sol, sans tente ni couverture, tout près de l'entrée de la gare principale de la ville. Il faut monter des escaliers, passer un premier palier aux dalles défoncées et arriver sur une grande plate-forme qui jouxte le quai A, où défilent les TGV.
Tous viennent d'Afrique, beaucoup disent être mineurs, en quête d'un avenir meilleur.
"La souffrance qu'on vit là, c'est pas humain", lâche Ouattara, du Cameroun; "La nuit, tu n'arrives pas à dormir car il fait trop froid, ça donne des fissures sur mon coeur", confie Ismaël, de Guinée-Conakry; "Je ne me sens pas bien dans mon corps, on ne se lave pas. Certains font leurs besoins ici sur ce petit bout d'herbe et on dort juste à côté", montre Wilfried, de Côte d'Ivoire.
A 06H00 chaque matin, ils plient leurs affaires et les accrochent à des grilles pour faire place nette aux travailleurs des tristes immeubles alentour, voués à la démolition.
Eux restent à ne rien faire dans l'attente de leur rendez-vous à la Méomie, le service de la métropole de Lyon - qui a repris les compétences du département du Rhône sur son territoire - censé leur assurer un accueil d'urgence de cinq jours à leur arrivée, le temps de confirmer leur âge. Avant d'être pris en charge si leur minorité est confirmée.
Et dans la rue, l'attente peut être longue. "Ce travail prend en ce moment quatre à six semaines, au lieu de trois à cinq jours, en raison du nombre élevé de cas à traiter", a reconnu lundi le président de la collectivité, David Kimelfeld (LREM), qui va mandater une association à partir de janvier.
En 2016, quelque 13.000 "mineurs non accompagnés", comme l'administration les désigne désormais, se sont présentés en France. Cette année, ils seraient presque deux fois plus nombreux. A Lyon, on relève une hausse de 30%.
Prouver leur âge
Scandalisées de voir ces jeunes "dehors, au milieu des rats", les associations tentent de parer à l'urgence. Réseau éducation sans frontières, Ligue des droits de l'Homme et Médecins du Monde ont ouvert une permanence hebdomadaire sur les pentes du quartier de la Croix-Rousse.
A la nuit tombante, le bar de l'hôtel mitoyen s'allume, laissant ces migrants dans un face-à-face déroutant avec les clients attablés. Certains regrettent d'avoir traversé tant d'épreuves, notamment la Libye où beaucoup affirment avoir été emprisonnés et torturés, pour en arriver là.
Aujourd'hui, comme des robots, ils répètent leurs parcours et quand on leur demande leur âge, ils répondent par une date de naissance, comme pour être plus crédibles.
"On ne traite pas ces jeunes comme potentiellement mineurs mais comme potentiellement fraudeurs", dénonce Hélène Bertrand de RESF. Leurs documents d'identité sont remis en cause. Les actes de naissance proviennent souvent de petits villages, dans des formats non recevables. Les militants dénoncent un harcèlement dans ces investigations là où, selon eux, le doute devrait profiter aux jeunes.
A la métropole, on assure que la justice n'a plus recours aux tests osseux - pratique décriée - et qu'en l'absence de papiers, des entretiens permettent de déterminer la "cohérence de l'histoire de vie" de chacun. Au final, elle estime que 40% des jeunes qui se présentent mentent sur leur âge et que seulement 15% sont éligibles au statut de réfugié.
Pour soulager les départements, le gouvernement a annoncé que l'État allait prendre la main sur cette phase d'accueil d'urgence et d'évaluation de l'âge. Quand? Comment? Les associations craignent qu'ainsi, ces adolescents "sortent du dispositif de la protection de l'enfance pour basculer dans le régime du droit des étrangers".
Sur la "plate-forme des Africains", la police est venue plusieurs fois leur demander de partir. Mais pour aller où?
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