Au lycée Arthur-Rimbaud de Garges-les-Gonesses (Val-d'Oise), le harcèlement est pris très au sérieux depuis plusieurs années. Danielle Seba, assistante de prévention et de sécurité, a mis en place tout un programme pour y faire face. "On est parti d'un constat: il y avait des agressions verbales à répétition dans la cour de récré, dans les classes, avec des élèves mis à l'écart, parfois persécutés".
Jeudi, la journée nationale de lutte contre le harcèlement scolaire, décrétée pour la première fois il y a deux ans, sera bien sûr l'occasion d'évoquer le sujet. Mais, au cours de l'année, d'autres actions sont menées, comme des projections de films sur la thématique ou des pièces de théâtre impliquant les élèves. "Grâce aux jeux de rôles, on cherche à développer l'empathie pour les victimes", explique Mme Seba.
Lorsque Brendan est arrivé dans le lycée, en seconde mécanique bac pro, il n'avait pas encore été sensibilisé. Or, il raconte avoir subi le harcèlement: "Je suis sorti avec une fille dont tous les gars de ma classe se moquaient".
"Ils me disaient tout le temps qu'elle était moche, ils m'insultaient...". Cette humiliation, il la garde d'abord pour lui. Il n'ose pas "attrister sa mère" ou "fâcher son père". Il sèche les cours, plusieurs mois. Et puis il prend conscience de la gravité de la situation et ose enfin parler à ses parents puis aux enseignants. Des menaces de sanctions et de dépôt de plainte mettent fin au harcèlement. Désormais Brendan se dit prêt à conseiller un jeune harcelé: "Je lui dirai d'aller tout raconter à un adulte".
"Mon rôle est bien de les faire devenir acteurs et non plus spectateurs", acquiesce Mme Seba.
'Repérage' et 'témoignage'
Selon plusieurs enquêtes, le harcèlement toucherait en primaire 12% des élèves, dont 5% de manière sévère, 10% au collège (7% de manière sévère), et 1,4% des lycéens.
Au lycée Arthur-Rimbaud, qui compte 650 élèves, trois cas maximum par an sont dénombrés. Les collèges alentour ont également mis en place des actions de prévention. "On diminue peut-être le nombre de cas, car l'accent est mis de la sixième à la terminale", avance la proviseure-adjointe, Laurence Mao.
Lisa, en première mécanique, a su réagir à temps: importunée l'an dernier par un élève qui se moquait de sa petite taille, elle s'est d'abord tue pendant deux semaines avant de parler à un responsable de la cantine en qui elle avait confiance. "Il a dit au garçon d'arrêter tout de suite et le harcèlement a cessé".
Le ministre de l'Education Jean-Michel Blanquer a plaidé mardi, en marge d'un déplacement à Nanterre, pour "ce sens du témoignage, ce sens du repérage" de tous les personnels des établissements. Pour lui, "on doit tous se sentir responsabilisés".
C'est aussi l'avis de Lucile Faresin, conseillère principale d'éducation: "Mieux on repère, moins on attend pour agir".
En poste l'an dernier dans un collège à Sarcelles, elle raconte l'histoire de quelques jeunes filles agressées par des garçons de leurs classes, qui s'amusaient à leur "toucher les fesses et les seins" ou leur lançaient des ordres comme "porte mon sac!". "Un professeur attentif a compris que ce qui ressemblait à un câlin était en fait une étreinte forcée et ces harcèlements ont pu être mis au jour".
Pour la pédopsychiatre Nicole Catheline, il faut jouer sur deux tableaux: "Informer et former les adultes afin qu'ils soient capables de réagir et ne se renvoient pas la balle en cas de problème, et inciter les enfants à parler quand ils voient qu'il y a de la souffrance. Même si cela se fait alors aux dépens du respect de la vie privée".
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