Bâtiments, véhicules, électroménager, éducation, sport, arts, armement.... Alors qu'en Russie, on commémore le centenaire de la Révolution de 1917, à Cuba des pans entiers du paysage témoignent de l'union sacrée entre les deux pays lors de la Guerre froide, qui mit le monde au bord du conflit nucléaire au moment de la crise des missiles en 1962.
Entre 1960 et 1990, quelque 20.000 soviétiques ont vécu à Cuba, et 250.000 Cubains ont étudié en Russie, rappelle à l'AFP Ruslan Reyes, président d'une organisation de russophones cubains comptant environ 5.000 membres.
Les nostalgiques de l'époque aiment se retrouver au Nazdarovie ("Santé!"), un restaurant privé en bordure du Malecon, le fameux boulevard de bord de mer havanais.
"Beaucoup pleurent lorsqu'ils viennent, songeant aux années passées là-bas", assure Dimitri Fidel Hernandez, le portier de 32 ans. Dimitri est un "polovinka" ("moitié", ndlr), fils d'un ex-pilote de l'armée cubaine, Fidel Vladimir, marié en Ukraine avec Tatiana. Il aime se voir comme "un morceau d'Histoire" entre les deux pays.
Devant les affiches de propagande soviétique qui font le bonheur des touristes, le cuisinier Alejandro Fidel Domenech, autre "polovinka" de 35 ans, explique que "beaucoup de particularités russes et soviétiques se sont enracinées à Cuba".
Encore aujourd'hui, on peut voir bringuebaler les antiques Lada et Moskvitch devant le grand Parc Lénine ou le théâtre Karl Marx de La Havane. Et dans les foyers, beaucoup font tourner leur linge dans les fameuses Aurika, machines à la robustesse devenue proverbiale.
Mais, souligne celui qu'on surnomme "Sacha" ou "le Russe", "il reste beaucoup de différences: les Cubains sont caribéens et les Russes européens".
A l'arrivée des soviétiques à Cuba, un véritable choc culturel a frappé l'île, notamment lorsque les émissions et films venus de Moscou envahirent petits et grands écrans.
Dans les salles obscures, le cinéma exaltant les valeurs patriotiques faisait peu recette auprès de spectateurs auparavant habitués aux films hollywoodiens. Et dans les années 1980, le grand comique cubain "Bernabé" menaçait les enfants indisciplinés de "leur montrer des dessins animés russes" réputés rudimentaires.
- De 'camarade' à 'ami' -
Marié à Svetlana, une astronome russe, Eugenio Reyes, ingénieur en télécommunications qui se consacre aujourd'hui à la médecine bioénergétique, proteste lorsqu'on lui rappelle que les Russes étaient parfois moqués pour leur comportement considéré comme un peu rustre.
"Les Russes m'ont appris à aller au théâtre, à apprécier la musique classique, à aller au ballet, au musée, pas les Cubains", martèle ce métis de 69 ans qui a suivi une formation militaire dans l'ex-URSS.
Aujourd'hui on constate que la vodka n'a jamais pu supplanter le rhum sur l'île, que les prénoms russes se raréfient dans les maternités et que les ventilateurs chinois remplacent les immémoriaux modèles russes. Mais les vestiges de l'époque restent encore bien visibles.
En témoignent les méthodes d'enseignement à l'école et dans les instituts sportifs et artistiques, mais aussi les structures de l'Etat cubain, de son armée et de l'administration, calquées sur le modèle bureaucratique soviétique. "La présence soviétique nous accompagne tous les jours", soutient Eugenio.
L'économie, elle aussi fortement inspirée de l'ex-grand frère, est "actualisée" depuis 2007 sous la férule du président Raul Castro, qui a autorisé une ouverture très partielle à l'économie de marché.
Le départ des Russes et la fin brutale des subsides de Moscou avec l'éclatement du bloc soviétique en 1990 porta un coup très dur à tous les Cubains, soudainement en butte aux pénuries de la "période spéciale".
Enfants à l'époque, Dimitri et Alejandro ont été privés du jour au lendemain des fameuses conserves de viande et compotes russes. Ils gardent un souvenir douloureux de cette période marquée par un net refroidissement des relations avec la Russie de Boris Eltsine (1991-1999).
Puis petit à petit les deux pays se sont de nouveau rapprochés et aujourd'hui les Russes réapparaissent à Cuba: lors des cinq premiers mois de l'année, ils ont été 47.000 touristes à visiter l'île, soit près du double par rapport à la même période de 2016.
Seule différence, le Russe ne vient plus comme "tavarich" ("camarade), mais désormais comme "drug" ("ami").
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