"Bonjour, vous empruntez cette ligne régulièrement? Vous sentez-vous en sécurité?": postées à un arrêt du Tramway 1, à Bobigny près de Paris, Romane Parent et Camille Reynaud interrogent des femmes.
Dans le cadre du Tour de France de l'Egalité, lancé par le gouvernement, ces deux femmes de 23 ans en service civique à la Direction régionale aux Droits des femmes ont décidé de s'intéresser au harcèlement dans les transports et "donner la parole à celles qu'on n'interroge jamais".
"Le but, c'est de mettre en lumière les risques pour les femmes dans les transports publics et la fréquence de ces risques", explique à l'AFP Romane.
Véronique, habitante de Bobigny, emprunte cette ligne qui dessert plusieurs villes de Seine-Saint-Denis et des Hauts-de-Seine "plusieurs fois par jour" pour aller au travail et récupérer sa fille tous les soirs au conservatoire.
"Je n'ai pas peur pour moi, mais pour elle. Elle a 14 ans, je ne veux pas qu'elle rentre seule le soir", leur répond-elle. "Il y a encore quelques semaines, le tramway a dû être arrêté et évacué après une bagarre: un homme avait mal regardé la petite amie d'un autre".
"Éviter les regards"
Chiffre éloquent, 100% des utilisatrices des transports en commun ont subi au moins une fois dans leur vie harcèlement sexiste ou agression sexuelle, selon un rapport du Haut conseil à l'égalité entre les femmes et les hommes basé sur les réponses de 600 Franciliennes.
"Des mains aux fesses, des sifflements, des inconnus qui me suivent, j'en ai connus. Pas sur cette ligne, mais dans le métro, le RER", témoigne à un autre arrêt Carmelle, 29 ans. "Le pire c'est aux heures de pointe: vas-y que je te colle."
Selon elle, il faudrait "un agent posté à chaque entrée de métro, de RER ou de tram aux heures de pointe. On éviterait la fraude, on créerait des liens avec les usagers, et les femmes auraient quelqu'un vers qui se tourner en cas de souci".
Promiscuité dans les wagons, manque de places assises, faible éclairage le soir, présence majoritairement masculine à certaines heures... Au fil des questionnaires, Camille et Romane entendent les mêmes remarques.
Dans un moment de libération de la parole après l'Affaire Weinstein, Hania, 22 ans, juge important de "dénoncer aussi les comportements inappropriés, ici, dans les transports".
"C'est beaucoup de ressenti, heureusement tout n'est pas suivi d'actes, mais quand on subit des remarques, des regards tous les matins, ça ne met pas de bonne humeur pour commencer la journée", témoigne cette étudiante.
Comme beaucoup, elle adopte des stratégies d'évitement: "Je prends un livre, un magazine, ou je regarde mon téléphone pour éviter les regards".
Pour Claire Vercken, déléguée aux Droits des femmes et à l'Egalité en Seine-Saint-Denis, cette étude doit être vue comme un "point de départ" pour travailler avec la RATP, les collectivités, et "nourrir une réflexion globale" sur la sécurité dans les transports.
"La mobilité des femmes et leur place dans l'espace public sont des questions importantes. L'insécurité dans les transports peut entraver la mobilité, c'est donc un grand enjeu, notamment en termes d'emploi", justifie-t-elle.
Depuis 2016, SNCF et RATP ont mis en commun le numéro d'alerte 3117 (31177 par SMS), joignable à tout moment pour signaler agression ou harcèlement. Il sera prochainement disponible sur l'application mobile vianavigo, a précisé à l'AFP IDF Mobilités.
Début 2018, les opérateurs de transports publics lanceront une nouvelle campagne de sensibilisation au harcèlement. L'une des dernières rappelait les peines encourues: 6 mois de prison et 22.500 euros d'amende pour injures ou menaces, cinq ans de prison et 75.000 euros d'amende pour baisers forcés, mains aux fesses, frottements.
Après Nantes, Bordeaux expérimente depuis lundi l'arrêt à la demande dans deux lignes de bus de nuit, entre deux arrêts, pour "déposer le voyageur au plus près de son domicile".
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