"Quand on a dit à nos copains qu'on allait monter des restaurants italiens, ils nous ont rappelé qu'il y en avait déjà 20.000 à Paris et se demandaient bien ce qu'on allait apporter en plus...", racontent à l'AFP, Victor Lugger et Tigrane Seydoux, deux amis de 34 ans qui se sont rencontrés il y a dix ans sur les bancs d'HEC.
Diplôme en poche, ils voguent vers des univers différents: Tigrane Seydoux travaille au côté de l'homme d'affaires Stéphane Courbit chez Lov Group (production audiovisuelle, jeux en ligne et hôtellerie de luxe), Victor Lugger dirige My Major Company, première plateforme française de financement participatif d'artistes.
Mais leur "passion" sans limites pour l'Italie, sa gastronomie, les pousse à un pari "un peu fou: monter une trattoria populaire où c'est à la fois bon, pas cher, et dans laquelle on se sent bien", décrit Victor Lugger, jeune homme brun et affable.
"Ce qu'on aime quand on va en Italie, c'est quand on entre dans n'importe quelle trattoria, dans les Pouilles, en Sicile, et même au fin fond du Piémont: c'est bon, c'est pas cher et c'est servi avec le sourire, dans la bonne humeur, dans des lieux chaleureux où on a l'impression d'entrer dans une famille", relate-t-il. Son souhait: "prendre cette recette et la créer à Paris".
Leur entourage est sceptique quant à cette quête d'authenticité. Ils foncent, se disant au contraire qu'"ils tiennent quelque chose".
Après "beaucoup de travail et surtout la chance d'avoir eu le soutien d'entrepreneurs", au printemps 2015, ils ouvrent leur premier restaurant, proche de la Bastille, à Paris, "avec 100% de produits provenant en direct de producteurs en Italie, 100% de fait maison, et un staff à 100% italien", détaille Tigrane Seydoux, yeux verts et teint pâle.
4.000 clients par jour
Deux ans et demi plus tard, les deux entrepreneurs totalisent six restaurants dans la capitale, avec un passage de 4.000 clients par jour, une ouverture 363 jours de l'année et un ticket moyen qui oscille entre 15 et 20 euros.
Tous deux réfutent le terme de "concept marketing", assurant vouloir créer des "lieux chaleureux, qui ont chacun leur caractéristique".
"C'est une logistique compliquée: c'est six fois par semaine des camions qui arrivent d'Italie, le recrutement de 400 Italiens, les faire venir, créer un esprit de famille, tout faire maison - les pâtes fraîches, la torréfaction du café, la bière, les sauces. C'est ce que fait un resto étoilé qui a 30 places assises, donc c'est le vrai défi qu'on s'est lancé pour 100 à 250 places assises", décrivent-ils.
Le duo assure bénéficier d'"une assez forte stabilité" dans ses équipes italiennes, avec "un turnover très faible de 2 à 3%, contre 30% pour le secteur". Il y a une "vraie culture de la méritocratie" chez Big Mamma, argumentent-ils aussi.
Pour Bernard Boutboul, spécialiste du secteur de la restauration, directeur du cabinet Gira Conseil, ces deux jeunes hommes sont des "génies".
Ils ont montré "qu'on peut faire de la restauration autrement, en privilégiant l'assiette, les employés, et en ayant la passion du produit, dans la lignée de ce qui a été fait ces dernières années dans la bistronomie", affirme Bernard Boutboul.
Le prix des "entrepreneurs de l'année" décerné lundi par Gault et Millau les rend "très fiers", pour eux-mêmes "et surtout pour toute l'équipe, c'est fabuleux", lance Tigrane Seydoux, les yeux pétillants.
Au chapitre du développement, ils avouent être en phase de "digestion". S'ils auront "probablement d'autres projets par la suite", ils se concentrent sur leurs "six beaux jouets" parisiens, en étant toujours aussi présents dans les établissements, auprès des clients, "la clé du succès", estiment les deux entrepreneurs, qui refusent de communiquer sur le capital de leur société.
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