Pour 51 euros, et via un simple clic sur internet, chacun peut devenir propriétaire d'une petite partie de ce château de conte de fées, joyau du patrimoine français sis aux Trois-Moutiers, dans la Vienne, et détenu aujourd'hui par un octogénaire.
Spécialisés dans le sauvetage de vieilles pierres, le site de financement participatif Dartagnans.fr et l'association Adopte un château ont lancé, fin octobre, une opération originale: le rachat collectif, via internet, et de gré à gré, de ces flamboyantes ruines, pour la somme de 500.000 euros.
Le principe est simple : pour chaque don de 50 euros, un investissement supplémentaire de 1 euro symbolique donne droit à une part du château, 100 + 2 euros à deux parts, et ainsi de suite. Une contribution inférieure à 51 euros ne donne toutefois droit qu'au statut de "donateur", mais épargne au bienfaiteur les soucis à venir des futurs propriétaires.
Il s'agit de mobiliser au moins 10.000 contributeurs pour sauver le château non classé et ne bénéficiant donc d'aucune protection de l'Etat.
"Le risque était trop grand de voir La Mothe-Chandenier rachetée puis rasée par un promoteur", écrit Dartagnans sur son site.
Le 2 novembre, 53 jours avant Noël - date de clôture de la collecte en ligne - le compteur de ce site recensait près de 4.000 contributeurs ayant déjà versé leur écot, et fait grimper la cagnotte à plus de 300.000 euros.
Romain Deleaume, président et co-fondateur de Dartagnans, se dit très confiant de pouvoir collecter dans les délais la totalité de la somme, "et même au-delà". D'autant que cette fois-ci, plus besoin de passer par la case enchères, et "donc plus de compétiteur face à nous", explique-t-il à l'AFP.
En septembre dernier, Adopte un château et Dartagnans avaient noué un premier partenariat pour tenter le rachat collectif d'un autre monument en péril, le château de Paluel en Dordogne, mais sans succès. Leur demi-million rassemblé n'avait pas fait le poids face à une surenchère de 850.000 euros.
"Projet collectif"
Cette fois-ci, la tansaction se fait de gré à gré, directement avec le propriétaire, Marc Demayer, un amoureux du patrimoine, originaire de la région et âgé de 82 ans qui avait acheté La Mothe-Chandeniers en 1982.
Fin octobre, un compromis de vente a été signé devant notaire par les trois parties. Une clause suspensive permet de se délier si les 500.000 euros n'étaient pas collectés à temps.
En cas de succès, le rachat se ferait sous forme de SAS (société par action simplifiée), la responsabilité de chaque copropriétaire étant proportionnelle à l'apport investi, soit un minimum d'un euro, ce qui limitera leur investissement en cas de grosse facture à venir.
Une fois l'opération finalisée, une plateforme internet serait ouverte à tous les copropriétaires, pour leur permettre de suivre l'avancée des travaux et de participer à l'élaboration d'un "projet collectif" de réhabilitation.
Résidence d'artistes, lieu culturel aucune hypothèse n'est exclue pourvu que le château devienne "un symbole de l'expression collective et créative, tourné vers la préservation et le rayonnement du patrimoine et de la culture", soulignent les fondateurs du site participatif.
Le bâtiment actuel date du début du XIXe siècle mais son histoire est bien plus ancienne. Le château est mentionné dès le XIIIe siècle sous le nom du seigneur du moment, La Mothe de Bauçay. Mais au XVe siècle, il bascule dans le giron de l'illustre famille de Rochechouart. Il est saccagé sous la Révolution, puis s'embrase en 1932. Le prestigieux domaine est finalement cédé par lots dans les années 1980.
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