Selon plusieurs experts interrogés par l'AFP, l'ancien patron du FBI possède, cinq mois après sa nomination, assez d'éléments pour s'attaquer à tous les responsables de la campagne de M. Trump liés à cette affaire. Il fait aussi taire les républicains qui réclament la clôture de cette enquête très sensible.
L'équipe de M. Mueller a annoncé lundi l'inculpation de Paul Manafort, sulfureux homme d'affaires et ancien patron de la campagne du candidat républicain et son ex-adjoint Richard Gates. Les deux hommes, qui ont plaidé non coupables, sont notamment poursuivis pour complot contre les Etats-Unis et blanchiment d'argent. Ils encourent chacun au moins dix ans de prison, selon l'accusation.
Mais elle a surtout révélé un accord de "plaider coupable" avec un obscur conseiller en politique étrangère, George Papadopoulos. Celui-ci avait multiplié les tentatives de rencontres entre le clan Trump et des responsables russes pour obtenir des informations compromettantes contre la candidate démocrate Hillary Clinton. Il a avoué avoir menti au FBI sur ses contacts avec des intermédiaires présumés du pouvoir russe et coopère désormais avec les enquêteurs.
Début octobre Aaron Zelinsky, un des membres de l'équipe de Robert Mueller, avait ainsi assuré devant un tribunal de Washington que le cas Papadopoulos était "une petite partie" d'une "enquête en cours très large" qui cherche à établir si l'équipe de Trump s'est concertée avec Moscou pour influer sur le résultat du scrutin.
Aucune des pièces à charges dans les trois dossiers ne montre une implication de M. Trump sur les connexions russes ou une éventuelle obstruction à la justice, une des pistes suivies par le procureur.
"Ça ne fait que commencer", affirme cependant Bradley Moss, un avocat spécialisé dans les affaires de sécurité nationale. "Manafort est la lumière qui a attiré tous les regards" mais "Papadopoulos est la pièce maîtresse" de l'enquête, explique-t-il.
'Passez un accord'
Le dossier Papadopoulos, un inconnu de 29 ans nommé en mars 2016 au sein d'un panel de conseillers diplomatiques pour le candidat Trump, se focalise sur ses nombreux échanges avec l'état-major de campagne jusqu'en septembre suivant. Il a notamment évoqué avec différents responsables des possibilités de rencontres avec des officiels russes, et a offert de fournir "de quoi salir" Mme Clinton.
Selon les documents judiciaires, un "superviseur" l'aurait encouragé à rencontrer ces prétendus officiels. Mais un "haut responsable" - Paul Manafort selon le Washington Post - aurait écarté toute rencontre entre M. Trump et les Russes, préférant "quelqu'un d'un niveau inférieur".
Pour les détracteurs de l'enquête, les documents montrent seulement que George Papadopoulos était un conseiller inexpérimenté agissant en marge de la campagne. Le conseiller était un "jeune volontaire de bas niveau" qui "s'est révélé être un menteur", a assuré M. Trump.
Mais selon l'ancien procureur Randall Samborn, ce "plaider coupable" est l'ouverture rusée d'un maître enquêteur qui possède un témoin coopératif et des éléments tangibles sur des connexions entre l'équipe Trump et la Russie.
"Nous ne voyons que les extraits (de l'accord) que M. Mueller a choisi de montrer", note M. Samborn, vice-président de la société de conseil en communication Levick.
L'accord indique aussi que les enquêteurs ont peut-être déjà interrogé des responsables - non identifiés dans les documents - de la campagne ayant participé aux échanges: pour le Post, il s'agit de M. Manafort et son prédécesseur Corey Lewandowski, M. Gates ainsi que le vice-président du comité national de campagne Sam Clovis.
Ils doivent maintenant, comme d'autres membres du clan Trump, songer à coopérer plus étroitement avec les enquêteurs pour se sauver, estime Bradley Moss.
"C'est comme si on disait à l'entourage de Trump: +j'ai tout. Je vous donne un échantillon. Vous passez un accord ou je vous aurai tous+", explique-t-il en soulignant que "dans les affaires de col blanc, les gens sont solidaires au début. Mais quand on les pousse, il y en a un qui craque".
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