"Si vous condamnez Abdelkader Merah, vous aurez jugé sans doute mais vous n'aurez pas rendu justice. La justice sera morte ou bien gravement blessée car nous nous serons couchés", a lancé Me Eric Dupont-Moretti à la fin de la dernière journée du procès Merah entièrement consacrée aux plaidoiries de la défense.
"J'affirme que si Abdelkader Merah est ici, c'est parce que son frère est mort et que si Mohamed Merah avait été vivant, il serait seul dans le box", avait auparavant lancé le ténor du barreau pointant deux écueils pour les magistrats: "le chagrin des victimes qui emporte tout sur son passage" et "l'opinion publique, cette prostituée qui tire le juge par la manche".
Me Archibald Celeyron, le premier des trois avocats d'Abdelkader Merah à plaider, a expliqué à la cour que "les victimes et l'opinion publique attendent votre décision mais vous allez rendre une décision juridique" qui "va définir la limite à ne pas franchir".
"On n'attend pas de votre décision qu'elle lave le sang ou sèche les larmes (...) vous allez appliquer le droit dans le respect de nos règles. Et, parce que vous appliquerez le droit, vous allez acquitter Abdelkader Merah", avait-il lancé.
"Nous vous demandons d'acquitter Abdelkader Merah même si nous sommes conscients que pour les victimes et l'opinion publique cela serait insupportable", avait abondé son confrère Antoine Vey, autre avocat de Merah. "N'en faites pas un symbole du terrorisme, faites-en un symbole de notre justice", a-t-il lancé, entraînant des grognements sourds dans la salle.
Les deux avocats, collaborateurs et associés de Me Dupont-Moretti, avaient auparavant passé en revue les éléments à charge du dossier concluant à l'absence de preuves pour les accusations portées par le ministère public.
"Sans preuve"
Lundi, l'avocate générale avait requis la réclusion criminelle à perpétuité assortie d'une peine de sûreté de 22 ans contre Abdelkader Merah et 20 ans de réclusion criminelle assortie d'une peine de sûreté des deux tiers contre Fettah Malki, petit délinquant ami de Mohamed Merah.
Abdelkader Merah, 35 ans, est accusé d'avoir "sciemment" facilité "la préparation" des crimes de son frère en l'aidant à dérober un scooter et à acheter un blouson utilisés lors des tueries. Il est également accusé d'avoir participé "à un groupement criminel affilié à Al-Qaïda". La justice reproche à Fettah Malki, 34 ans, d'avoir fourni à Mohamed Merah un gilet pare-balles et un pistolet-mitrailleur.
Entre le 11 et le 19 mars 2012, Mohamed Merah a assassiné sept personnes à Toulouse et Montauban, avant d'être abattu le 22 mars.
"Est-il impossible que Mohamed Merah ait voulu dépasser son frère en religion ?", a suggéré Me Dupont-Moretti pour qui "l'accusation a dénié à l'accusé toute humanité" en l'assimilant à son frère, en lui refusant "sa singularité".
Sur l'engagement islamiste d'Abdelkader Merah, "on a tout avancé, les frères Clain (voix des revendications des attentats du 13 novembre à Paris), des jihadistes de toute nature, mais rien n'a été démontré. On ne condamne pas sur une faisceau d'indices, sur un sentiment", a lancé Me Vey.
Auparavant, l'un des avocats de Fettah Malki, Me Édouard Martial, avait appelé la cour à juger son client "juste pour ce qu'il est et ce qu'il a fait" et pas pour une "potentialité terroriste" avancée "sans preuve" par l'avocate générale.
"Avez-vous apporté la preuve qu'il était au courant des intentions criminelles de Merah ? Non. Mon client n'appartient pas à ce monde-là", a-t-il affirmé.
Premier avocat de Malki à plaider, Me Christian Etelin avait appelé la cour à résister à la "pression sociale et politique". "Il ne s'agit pas de juger Mohamed Merah à travers ceux qui sont dans le box aujourd'hui", avait-il dit.
Verdict attendu jeudi.
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