Dans les rues du centre, dans les fossés à l'entrée de la ville ou encore aux abords de gare maritime, il n'est pas rare de croiser des groupes de migrants dans les rues de Ouistreham (Calvados). Depuis cet été, ils sont une centaine - deux fois plus qu'il y a un an – à déambuler en bord de mer, espérant embarquer clandestinement dans un ferry direction l'Angleterre.
Rassurer les visiteurs
Mais face à l'afflux, la sécurité autour de la gare maritime a été renforcée, rendant l'opération quasi impossible. "Nous avons une petite zone portuaire très facile à sécuriser, présente le maire, Romain Bail. Le message est clair: ils ne peuvent pas passer!". Sa crainte: "devenir un nouveau Calais".
Une sévérité qui n'empêche pas les migrants de retenter leur chance tous les jours. "On les voit courir derrière les camions anglais, raconte Anne Oliveira de Pinho, gérante de l'hôtel-restaurant du Phare. L'autre jour, l'un d'eux a réussi à s'agripper et tailler la bâche au couteau avant de tomber, c'est assez dangereux." Son établissement donne sur le parking qui précède la gare maritime, et "ils sont parfois près de 50 le soir" à s'y retrouver.
"Je dois rassurer les clients, surtout les Anglais. Nous leur conseillons de rentrer les camping-cars dans un parking fermé pour que personne ne puisse se cacher dedans, poursuite la gérante. Quoiqu'il arrive, son hôtel affiche complet et elle ne constate pas de baisse d'activité. Ce qui n'est pas le cas pour tous les commerces d'après Romain Bail. "La station essence ou la boulangerie située à l'entrée de la ville ont connu en deux mois une baisse de 10 à 15 % de chiffre d'affaires", estime-t-il.
Un élan s'installe
"Il n'y a jamais eu de problème avec eux, atteste pourtant Anne Oliveira de Pinho. Ils sont toujours très polis, nous disent bonjour dans la rue. Je suis seulement inquiète de la pénibilité avec laquelle ils vont devoir vivre cet hiver." Une crainte partagée par les membres du Collectif d'Aide aux Migrants à Ouistreham (CAMO)."Ils dorment n'importe comment sur des cartons, dans les bois ou dans la rue, décrit Michel, l'un des membres fondateurs. Ils sont chassés comme des bêtes, et ça se passe à notre porte, sous nos yeux."
Constitué en septembre, le CAMO compte aujourd'hui une soixantaine de membres, dont plusieurs infirmières qui se relaient pour organiser des repas aux migrants. "Au début, on leur achetait un peu de pain et des boîtes de sardines au Lidl, puis les choses ont grossi… poursuit Michel. Un élan s'installe, j'ai des amis qui sont venus avec la voiture pleine de dons, des gens leur achètent des bonnets tous neufs. Une dame leur a même donné son oreiller!"
"Si l'un d'eux meurt, qui sera responsable?"
Bien sûr, tout n'est pas rose et certains habitants s'en sont même pris directement à des bénévoles au cours de la distribution d'un repas, menaces et insultes à l'appui. "Je reçois tous les jours des appels ou courriers d'habitants inquiets, assure le maire qui reconnaît pourtant "il n'y a pas d'augmentation particulière des vols ou des violences."
S'il assure qu'il est "sensible au côté humanitaire" de la question, Romain Bail rappelle que la gestion des migrants relève de la responsabilité de l'État. Surtout, il ne veut pas créer "d'appel d'air" en se montrant trop accueillant. Il l'assure: "il est hors de question que j'ouvre un gymnase." Une intransigeance face à laquelle Michel rappelle que "ces hommes ont fait 6 à 8 000 kilomètres pour arriver ici. Leur rêve est en face, à portée de main et ils ne vont pas lâcher maintenant! Et si l'un d'eux meurt dans les bois cet hiver, qui sera responsable?" s'interroge-t-il.
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Incroyable, -15% de chiffre d'affaires, enfermons les migrants. J'entends déjà M. Toulemonde dire "Ah non certainement pas, en prison, nourris, logés, blanchis avec la ligue 1 Conforama en sus et puis quoi ?"
D'accord avec Pat. Puisqu'ils s'inquiètent de la pénibilité à passer l'hiver, la gérante de l'hôtel et le fameux CAMO n'ont qu'à les loger directement chez eux. Facile d'être solidaire dans ces conditions.