S'il précise que ce "potentiel" établi par des chercheurs concerne le saumon et d'autres espèces d'élevage, Øyvind André Haram, responsable de l'information de Sjømat Norge, explique à l'AFP que "chaque jour", son pays de 5,2 millions d'habitants produit l'équivalent de "14 millions de repas à base de saumon".
Alors que la demande mondiale de saumon d'élevage ne cesse de croître, la Norvège, qui avec 1,3 million de tonnes par an, assure déjà plus de la moitié de la production de la planète, ne compte pas s'arrêter là.
Epinglée par le passé pour une production peu durable, elle entend profiter toujours plus de cette manne, même si elle doit pour cela relever de sérieux défis environnementaux.
"Il y a deux problèmes majeurs dont les autorités sont en train de prendre conscience, la prolifération de poux de mer et les évasions des saumons d'élevage dans la nature", rappelle à l'AFP Julie Døvle Johansen, de l'organisation de protection de l'environnement WWF Norvège.
Le pou de mer, un parasite qui oblige à abattre prématurément et massivement les saumons, coûte entre 1 et 1,5 milliard d'euros par an à l'industrie, selon John Arne Breivik, directeur général d'une société de lutte contre cette créature dont la prolifération peut aller jusqu'à tuer les saumons sauvages.
Poissons nettoyeurs
D'autant que les saumons de pleine mer risquent d'être fragilisés génétiquement par leurs cousins d'élevage si ceux-ci s'échappent de leurs cages immergées en mer et se reproduisent avec eux, selon Julie Døvle Johansen.
Pour se libérer de ces contraintes, les géants du secteur fourmillent de projets pharaoniques et innovants, qui soulèvent des espoirs, mais aussi d'autres inquiétudes pour les ONG.
"L'industrie du saumon et son ministère de tutelle ont pour ambition de doubler la capacité de production dans les 10, 15 prochaines années", assure à l'AFP Truls Gulowsen, responsable de Greenpeace en Norvège, qui juge cet objectif "complètement fou".
Dans un des nombreux fjords qui bordent l'île de Hitra, les saumons d'élevage du groupe Lerøy, regroupés par milliers dans des parcs circulaires en pleine mer, bondissent dans l'eau dans un ballet incessant.
Lena, une jeune salariée, est arrivée il y a à peine un mois: "Nourrir les poissons est le coeur de ce travail", explique-t-elle à l'AFP, en montrant par caméras interposées les saumons en route vers l'âge adulte barboter dans l'eau salée et, parfois, de petits "poissons nettoyeurs", introduits spécialement pour éliminer les poux de mer, se substituant ainsi à l'usage de pesticides.
"On a d'autres solutions", explique Jean-Pierre Gonda, patron pour la France de Lerøy, deuxième producteur mondial de saumon.
Il montre des croquis de la "pipe-farm", un bateau-vivier géant, qui comporte six bassins remplis d'une eau de mer pompée par d'énormes tuyaux à 30 mètres de profondeur, à température constante, non tributaire des aléas météo et en principe "débarrassée des problèmes de parasites", explique M. Gonda à l'AFP.
Oeuf sous-marin
La première ferme aquacole de ce type, déjà en service depuis quelques semaines, flotte au large du port de Bergen.
D'autres projets colossaux ont commencé à peupler les mers norvégiennes, telle que la ferme offshore du groupe Salmar, qui accueille des quantités énormes de poissons à l'écart des rivages, depuis cet été. Ou encore l'oeuf sous-marin clos en composite de Marine Harvest, numéro un du secteur, dont seul le haut de la "coquille" apparaît en surface.
Ces projets doivent permettre d'éviter l'écueil des poux de mer, sans recourir aux produits chimiques.
Ces fermes d'un genre nouveau visent à satisfaire la demande mondiale toujours plus forte de ce produit de la mer, loué pour ses apports en oméga 3.
Elles pourraient "réduire la prolifération des poux de mer", estime la technicienne du WWF.
Mais "tout cela est très nouveau, donc on ne sait pas si ça va résoudre les problèmes. Je pense que cela représente potentiellement un grand risque", s'interroge-t-elle, craignant une évasion massive de saumons d'élevage, proportionnelle à la taille de ces nouvelles fermes.
Si elle ne nie pas la problématique des évasions, la fédération affirme que le nombre de cas a diminué, notamment grâce à une règlementation plus stricte.
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