La foule, d'une moyenne d'âge plus élevée que dans les rassemblements indépendantistes, s'est massée dès la fin de matinée sur le Passeig de Gracia - une des avenues barcelonaises les plus chics - encadrée par un important dispositif policier.
Entamant un paso doble sur l'air de "Y Viva Espana" de Manolo Escobar, Carmen Gutierrez, standardiste d'une compagnie d'assurance, 60 ans, brandit en tournoyant un immense drapeau espagnol.
Cette électrice du parti libéral Ciudadanos - fondé en Catalogne en 2005 pour contrer l'indépendantisme - déclare les sécessionnistes "coupables": "Coupables de nous avoir divisés, coupables de nous avoir mis en danger avec nos retraites, coupables parce que les banques sont parties".
Au moment où la "République catalane" a été proclamée vendredi au Parlement régional, elle était au travail. Elle a pensé que "cela n'irait pas très loin".
"Les gens qui y ont cru, j'ai eu de la peine pour eux", ajoute cette Andalouse d'origine, vivant depuis longtemps dans la banlieue de Barcelone.
Les manifestants sont 300.000 selon la police municipale, un million selon la préfecture.
"Les rues ne sont pas qu'aux indépendantistes", triomphe un des organisateurs, Alex Ramos, médecin et militant socialiste.
Des pancartes clament "Ensemble", "Non au coup d'Etat" ou "Catalogne ma terre, Espagne mon pays".
"Il ne peut pas y avoir de république catalane. Deux millions de personnes ont bien voté" au référendum d'autodétermination interdit du 1er octobre "mais il y a 7,5 millions de Catalans", rappelle Oscar Torres, manifestant de 83 ans.
"Il faut trouver une solution qui puisse satisfaire l'ego des séparatistes et l'ego des autorités espagnoles", conclut ce retraité, estimant que "les séparatistes sont très bien organisés, visibles" mais les partisans du maintien en Espagne "beaucoup plus nombreux".
'Un peu d'ordre'
Chaque hélicoptère de la police nationale qui survole le rassemblement est acclamé, alors qu'il était hué lors des manifestations pro-indépendance.
Les indépendantistes "ne peuvent pas changer le cours de l'histoire comme ça, illégalement, on ne va pas se laisser dominer", lance Jesus Cosano, un infirmier de 34 ans installé à Barcelone depuis six ans.
Ancien électeur du Parti populaire (PP) du chef du gouvernement espagnol Mariano Rajoy passé à Ciudadanos, Jesus est amer: "Ils nous appellent +fascistes+ parce qu'on porte le drapeau espagnol... On a perdu des amis parce qu'on ne pouvait plus avoir une conversation normale, on en arrivait à la confrontation".
Beaucoup crient Carles "Puigdemont, en prison", en référence au président catalan destitué vendredi par Madrid.
Des manifestants enveloppés dans la bannière rouge et or vocifèrent: "Moi oui, je suis Espagnol!"
Retraité du secteur financier, Jose Maria Garcia, électeur socialiste de 74 ans, s'en va "content et pas content": "Je ne suis pas très ami des drapeaux et ici, il y a peut-être 20% d'exaltés de droite, de fascistes ou d'anti-catalanistes, qui ne vont pas avec moi", dit ce "socialiste internationaliste".
Catalan né en Aragon, le retraité a pourtant manifesté parce qu'il juge le processus sécessionniste "totalement néfaste" et assure: "Les indépendantistes racontent des histoires, ils enfreignent les lois dans leur propre parlement et Puigdemont est issu du parti le plus corrompu de Catalogne".
Et d'ajouter au sujet de la mise sous tutelle de la Catalogne par l'Etat espagnol: "Ca ne me fait pas peur si c'est bien appliqué mais j'espère qu'à Madrid, ils ne diront pas: +tous en prison+".
Santiago Cortes Perez, ancien patron d'une entreprise de maçonnerie, 72 ans, arrivé "à l'âge de six mois d'Andalousie", sourit en disant "Il est temps de mettre un peu d'ordre" et ajoute: "Les indépendantistes avaient pris la démocratie comme un chèque en blanc pour faire ce qu'ils voulaient".
Il vote PP aux élections législatives - comme seulement 13% de l'électorat catalan en 2015 - et constate que c'est une formation "impopulaire en Catalogne parce qu'elle est vue comme une référence du franquisme".
"Il faut dire que le PP ne s'est pas préoccupé suffisamment de la Catalogne", ajoute-t-il, concluant: "Il faut l'ordre mais aussi un peu de tendresse".
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