"Il y a beaucoup de peur et d'anxiété chez tout le monde, au-delà du fait de vouloir l'indépendance ou de ne pas la vouloir, comme c'est mon cas", explique à l'AFP un agent à Barcelone qui ne souhaite pas donner son nom.
"L'ambiance est difficile. Il y a des discussions, des cris, des situations très tendues entre collègues", expliquait-il avant que le Parlement catalan ne déclare unilatéralement l'indépendance vendredi.
Car les Mossos d'Esquadra se retrouvent au coeur du bras de fer entre le gouvernement espagnol et l'exécutif de Catalogne, que ce même gouvernement central a destitué.
Depuis, leur reprise en main est en tête des priorités du gouvernement conservateur de Mariano Rajoy.
Madrid a d'abord remplacé leur chef opérationnel, Josep Lluis Trapero, soupçonné d'être trop proche des dirigeants indépendantistes et qui fait, en outre, l'objet d'une enquête pour sédition.
Désormais les quelque 16.000 agents sont dans l'attente. Devront-ils obéir aux ordres de Madrid ou à ceux d'un hypothétique gouvernement de la "République catalane", qu'aucun pays n'a reconnue?
A l'image de la société catalane, "le corps (policier) est divisé à égalité: certains sont enchantés que Madrid prenne le contrôle, et d'autres voient cela avec inquiétude et rejet", explique un deuxième agent qui témoigne, lui aussi, sous le couvert de l'anonymat.
Les Mossos, dont les origines remontent au XVIIIème siècle, furent refondés sous leur forme actuelle en 1983, pendant la phase où la Catalogne récupérait son autonomie supprimée pendant la dictature de Franco (1939-1975).
Le contrôle de ce corps était vital pour le gouvernement espagnol, qui dispose d'à peine 6.000 agents des forces de l'ordre nationales en Catalogne, et a dû envoyer en renfort par précaution quelque 10.000 policiers et Gardes civils.
'Honteux'
L'importance des Mossos a été mise en évidence lors du référendum d'autodétermination interdit du 1er octobre, lorsqu'ils ont évité de charger les électeurs rassemblés pour protéger les bureaux de vote.
L'intervention, émaillée de violences, a finalement échu à la police nationale et à la Garde civile.
"Un dispositif frauduleux a été mis en place pour que nous ne puissions pas faire notre travail. Beaucoup de (Mossos) de la division anti-émeutes avaient été mis au repos pour la journée", accuse le premier policier à témoigner. "Beaucoup d'entre nous se sont sentis honteux".
Le ministère de l'Intérieur est désormais chargé du contrôle des Mossos, alors que les indépendantistes ont appelé à défendre la "République".
Dans une circulaire interne, vue d'un très bon oeil par Madrid, les cadres des Mossos appellent les agents à la "neutralité" et à éviter les incidents devant la hausse prévisible des manifestations.
Le major Trapero aurait en outre appelé les policiers à suivre les ordres de leurs nouveaux dirigeants, qui ont dès samedi retiré au président catalan destitué par Madrid Carles Puigdemont une partie de sa garde rapprochée, des unités d'élite de la police catalane, selon la Vanguardia.
Cette information n'a pas été confirmée par son entourage.
Au sein du corps, l'inquiétude porte sur le rôle des Mossos en cas de troubles. Les agents anti-émeutes seront en première ligne et peut-être que "dans les circonstances où on leur disait jusqu'à maintenant de faire preuve de retenue, on leur dira maintenant: +chargez+", s'inquiète un cadre intermédiaire.
Or, "si on commence à leur donner des ordres extrêmes débouchant sur une confrontation entre police et population, beaucoup hésiteront à les appliquer", estime le deuxième agent interrogé par l'AFP.
Mais un refus pourrait entraîner des sanctions y compris salariales, des destituions voire des condamnations, ce qui pousse le syndicat majoritaire à recommander de suivre les ordres.
"La désobéissance aux lois n'est jamais une option pour la police. Nous n'avons pas de marge pour désobéir aux lois car dans ce cas nous ne pouvons pas demander au reste des citoyens qu'ils les suivent aussi", affirme Valentin Anadon, secrétaire général du syndicat SAP-FEPOL.
"Au final, les collègues obéiront", prévoit le premier policier. "Y compris ceux qui sont indépendantistes: si on touche à ton salaire ou à ton travail, si tu as une femme et des enfants, tu n'as pas d'autre choix".
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