Cette image en trois dimensions, qui est interactive et en mouvement, fait partie d'une exposition inédite qui ouvre dimanche au musée de l'Holocauste de l'Illinois, dans le nord des Etats-Unis. L'objectif est de conserver les souvenirs d'une génération qui s'amenuise rapidement.
"Elle a leur totale attention", souligne Samantha O'Neill, de l'établissement scolaire Northside Catholic Academy. "On dirait vraiment qu'elle est assise sur scène devant vous".
L'exposition utilise une technologie de reconnaissance vocale et une intelligence artificielle permettant aux visiteurs de poser des questions à ces survivants sur leur calvaire pendant la Seconde Guerre mondiale. Auxquelles ils répondent directement.
Treize survivants, la plupart habitant aux Etats-Unis, mais aussi au Canada, en Israël et au Royaume-Uni, ont été enregistrés. Ils ont répondu à des milliers de questions, chacun assis pendant une semaine dans un studio rempli de caméras haute définition pour les filmer sous tous les angles.
'Un instrument puissant'
"Cela nous prépare pour le jour où nos survivants ne seront plus là", explique Susan Abrams, directrice exécutive du musée.
Le régime nazi a tué six millions de Juifs, et des millions d'autres personnes, pendant l'Holocauste. A mesure que les survivants prennent de l'âge, la question se pose de la préservation de leurs mémoires.
Le réalisateur américain Steven Spielberg a établi en 1994 une fondation qui a filmé le récit de 55.000 survivants et témoins.
Cette organisation est devenue par la suite la Shoah Foundation, entité de l'Université de Californie du Sud à Los Angeles. Elle a aidé le musée de l'Illinois à créer les hologrammes.
Le projet a mis presque trois ans à se concrétiser et a coûté cinq millions de dollars. Les premiers tests du produit fini, présenté officiellement dimanche dernier, sont encourageants, se réjouit Mme Abrams.
"Les visiteurs se sentent plus à l'aise de poser leurs questions à l'hologramme, parce qu'ils ne s'inquiètent pas de blesser cette personne, ou de la contrarier. Et donc, c'est vraiment un instrument puissant", ajoute-t-elle.
Installés dans l'auditorium du musée, à Skokie, des dizaines d'écoliers boivent les paroles d'Adina Sella, assise devant eux, sur une chaise rouge. Les rares crépitements rappellent qu'elle n'est qu'une image.
"Quel âge as-tu?", demande un enfant.
"Je suis née le 1er décembre 1935, alors s'il-te-plait, calcule-le", répond-elle, avec un fort accent. Sa réponse a été enregistrée de façon à ce qu'elle reste valable au fil des ans.
Les enfants ont rapidement fait le calcul: 81 ans.
'Nous ne serons plus là'
Le musée, comme les autres institutions consacrées à l'Holocauste, organise régulièrement des discussions avec des survivants présents en personne: un groupe baptisé "Speakers' Bureau".
Aaron Elster, l'un des responsables de ce groupe, est l'un des premiers à avoir participé au projet des hologrammes. "La plupart d'entre nous s'inquiètent de ce qu'il se passera quand, dans peu de temps, nous ne serons plus là", dit-il.
Est-ce que les survivants deviendront une note de bas de page historique, ou "serons-nous encore en vie, en substance, pour raconter aux gens ce qu'il s'est passé?", poursuit-il. "Nous pensons que c'est vraiment important. Nous voulons qu'on se souvienne de nos familles"
Le musée pense à terme donner l'autorisation à d'autres institutions d'utiliser le projet d'hologramme, afin qu'elles créent des expositions similaires.
"Nous voulons que cette expérience soit reproduite dans le monde entier", précise Mme Abrams.
Ces hologrammes font partie d'une exposition intitulée "Take a Stand Center", orientée vers les écoliers. Elle comprend également des écrans tactiles présentant des personnalités vivantes ou non, comme l'ancien président sud-africain Nelson Mandela ou la militante pakistanaise Malala Yousafzai.
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