Plus de 300 personnes vivent sur ce campement insalubre, constitué de cahutes de bois serrées sur la voie de chemin de fer désaffectée, et qui se reconstitue d'année en année, entre la Porte de Clignancourt et la Porte des Poissonniers.
Evacué en 2016, en février 2017, le bidonville s'est depuis reformé. "Ce sont les mêmes personnes", assure André Feigeles du collectif Roms Paris. Et le campement s'apprête à connaître une nouvelle expulsion, la justice ayant donné jusqu'au 10 novembre aux occupants pour quitter les lieux.
Elena vivait dans le bidonville en février, et avait scolarisé son fils dans le XVIIIe arrondissement. Après l'expulsion, la famille s'est retrouvée à l'hôtel. Qu'importe si elle ne peut pas payer la cantine : "je me levais à cinq heures le matin pour l'emmener à l'école depuis Saint-Denis", dit-elle.
Darius, neuf ans, est aujourd'hui en CM1. Elena partage avec ses trois enfants et sa soeur enceinte une cabane sans fenêtre. Pas d'eau, pas de réfrigérateur ni de réchaud, deux lits pour cinq. "Moi je veux travailler, j'ai travaillé comme femme de ménage, on me payait 80 euros par mois", raconte cette femme de 28 ans, qui en fait quinze de plus, en colère contre l'image que traînent les Roms, et qui rêve d'une autre vie.
"Si on me propose un logement, je pars aujourd'hui", dit-elle.
Comme Elena, arrivée en 2012, "plusieurs familles du bidonville souhaitent s'installer", assure M. Feigeles.
D'autres peuvent avoir des logiques différents. "La population des bidonvilles n'est pas homogène, certains sont là depuis 10 ans, d'autres depuis 10 mois, certains travaillent... Mais les pouvoirs publics traitent tous les cas de la même façon", explique Olivier Peyroux, sociologue spécialiste des Roms.
En moyenne, les Roms restent "cinq ans en bidonville" avant de suivre le parcours classique d'insertion des populations immigrées, explique-t-il.
"Autonomie"
Etant Européens, "ils n'ont pas de problèmes de papiers, et l'enjeu central est le logement et l'accompagnement professionnel", ajoute M. Peyroux, qui martèle l'évidence que leur présence en bidonville "n'est pas quelque chose de culturel" : l'immense majorité est d'ailleurs sédentarisée.
Mais après plusieurs années ballotées d'un campement à l'autre, le parcours peut devenir chaotique : "Ils sont à des degrés divers d'exclusion, se sentent rejetés" et pensent que l'intégration "n'est plus pour eux", soupire Manon Fillonneau, de Romeurope. Cette répétition des expulsions "nourrit aussi les mouvements pendulaires" qui existent entre la France et leur pays d'origine.
Une circulaire de 2012 prévoit un diagnostic social des populations en amont des évacuations et un accompagnement en aval. Or les associatifs jugent cette circulaire souvent contournée.
De plus l'hébergement, compétence de l'Etat, "signifie quelques nuitées d'hôtel", assure Mme Fillonneau, qui déplore une "politique de l'urgence" ne réglant "rien à long terme".
En Ile-de-France, qui a par ailleurs dû trouver des places pour les migrants évacués de leurs campements depuis deux ans, l'ancien préfet Jean-François Carenco avait proposé en 2016 une "stratégie régionale", pariant notamment sur les parcours d'insertion et les "logements passerelle".
Mais le plan, simple "directive" sans contrainte de répartition régionale, n'avait pas convaincu les élus locaux les plus concernés.
Ceux-ci ont lancé des initiatives ces dernières années, comme à Ivry-sur-Seine (Val-de-Marne) ou un centre d'hébergement pour familles a réservé cinquante places aux Roms.
S'inspirant de cette expérience, la ville de Paris travaille, à l'approche de l'évacuation du bidonville de la petite ceinture, sur des solutions d'hébergement entre l'hôtel et le logement classique, permettant "une forme d'autonomie" pour les "30 à 50 personnes" dans une démarche volontariste d'insertion.
"On espère que cela aura un effet levier", ajoute-t-on à la ville, conscient que "cela n'aura de sens que si ce genre d'initiatives se multiplie".
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