Ils vivent pratiquement nus, vêtus seulement de pagnes rouge vif, la peau enduite de pigments rouges et noirs extraits de baies comme l'urucum ou le jenipapo.
"Tu crois qu'ils sont venus nous observer?", demande à son voisin Aka'upotye Waiapi, 43 ans, le fils aîné du chef du village.
A l'altitude à laquelle il volait, l'avion n'a dû voir qu'une grande étendue vert foncé. Mais son passage provoque tout de même un certain malaise.
Les Waiapi n'ont été découverts par le gouvernement brésilien que dans les années 1970. Leur mode de vie reste très similaire à celui de leurs ancêtres, en harmonie profonde avec le "poumon de la planète".
À première vue, le quotidien des habitants de Manilha et des dizaines de petits villages du territoire Waiapi semble d'un autre temps.
Les hommes chassent et pêchent. Les femmes à la poitrine nue cultivent du manioc et préparent le feu et les repas.
Les Waiapi pratiquent la culture sur brûlis, mais d'une manière "éco-responsable", sur des surfaces très réduites.
Tous les membres de la tribu, même les enfants, enduisent leur peau de peintures naturelles censées avoir des vertus protectrices, pour le corps et pour l'âme.
Des signes du XXIe siècle industrialisé
Certaines tribus autochtones du Brésil plus accessibles sont devenues de véritables attractions touristiques, mais pas les Waiapi, qui acceptent très rarement des visites du monde extérieur, y compris de journalistes.
Mais le monde moderne se rapproche.
Pour voir des signes du monde industrialisé du XXIe siècle, pas besoin de regarder vers le ciel. Un villageois porte un téléphone attaché à son pagne, même si les réseaux mobiles ne couvrent absolument pas la zone: il lui sert à prendre des photos.
Un autre habitant de Manilha est propriétaire d'une voiture, malgré la difficulté à obtenir de l'essence, la pompe la plus proche étant située à plusieurs heures de route.
Sous un toit de chaume émane le grésillement d'une radio VHF qui fonctionne à l'énergie solaire et sert à connecter entre eux les villages Waiapi disséminés dans la forêt.
Et même si Manilha semble perdu au fin fond de la jungle, ses habitants savent que la modernité n'est qu'à deux heures de là, en suivant la route de terre qui mène à la petite ville de Pedra Branca.
Machine à remonter le temps
Si la plupart des quelque 1.200 Waiapi ne vont jamais en ville, Jawaruwa s'y rend chaque semaine, un voyage entre deux mondes, comme s'il empruntait une machine à remonter le temps.
À 31 ans, il est devenu l'an dernier le premier membre de sa tribu à exercer des fonctions officielles au Brésil, en se faisant élire conseiller municipal de Pedra Branca.
En ville, Jawaruwa porte un jean et une chemise. Il travaille dans un bureau. Mais quand il retourne en territoire Waiapi, il s'empresse de revêtir son pagne traditionnel.
Son épouse Monin, habillée comme lui, l'enduit aussitôt de peinture d'urucum.
"Il faut suivre les règles de la ville. Ici, on a besoin d'argent pour vivre, il faut payer pour tout", explique-t-il, interrogé à Pedra Branca.
En comparaison, "au village, tout est gratuit: l'eau, le bois pour faire le feu", dit-il.
Le jeune homme dit s'être présenté à l'élection parce qu'il n'y avait aucun indien au conseil municipal, comme d'ailleurs au Parlement national. "Qui d'autre va se battre pour notre peuple?", demande-t-il.
Marina Sa, propriétaire d'un restaurant, aide Jawaruwa à s'intégrer parmi les habitants de la ville. "Peu de gens d'ici sont déjà allés en territoire Waiapi. C'est un monde à part", explique-t-elle.
Waiapi à l'intérieur
Quand Jawaruwa Waiapi, sa femme et leurs quatre enfants rentrent au village, ils ont comme un poids en moins. Le silence est à peine troublé par le chant des oiseaux et la notion de temps n'est guidée que par la position du soleil.
"Les enfants n'aiment pas la ville, parce qu'ils doivent porter des vêtements et prendre des douches", alors qu'ils préfèrent se baigner dans la rivière, raconte son épouse, âgée de 24 ans.
Mais quand il regarde son fils de quatre ans, Jawaruwa avoue ne pas savoir de quoi son avenir sera fait.
Un grand nombre de jeunes qui vont en ville pour aller à l'école pourraient vouloir y rester, redoute le Waiapi. "S'il finit par aimer la ville, il ne voudra jamais retrouver la culture Waiapi", s'inquiète le père de famille.
Un membre de la tribu qui est parti pendant 20 ans admet qu'il lui a fallu quatre ans pour "redevenir un vrai Waiapi".
Pour Kamon Waiapi, assistant de Jawaruwa, qui comme lui, voyage souvent à Pedra Branca, l'essentiel est de ne jamais oublier son identité.
Avant d'arriver en ville, il descend de sa voiture pour enlever le pagne et revêtir un jean, des chaussures en cuir et un polo.
"Maintenant, je suis un homme blanc", plaisante-t-il. Mais il ne se sent pas moins Waiapi pour autant. "À l'intérieur, je ne change jamais."
A LIRE AUSSI.
Amazonie: les tribus aiguisent leurs flèches contre les envahisseurs
En Irak, faire appliquer la loi peut coûter cher
Diaryatou, excisée à 8 ans: c'est "un cri que l'on n'oublie jamais"
En RDCongo, village traditionnel cherche touristes
New York, "la ville qui ne dort jamais", veut baisser le son
Envie d'afficher votre publicité ?
Contactez-nousEnvie d'afficher votre publicité ?
Contactez-nous
L'espace des commentaires est ouvert aux inscrits.
Connectez-vous ou créez un compte pour pouvoir commenter cet article.