Perché sur une branche d'un grand arbre, non loin du village isolé de Malagufuk, un Paradisier royal rouge cramoisi sur le haut et blanc dessous, avec des plumes violacées et une queue au bout vert émeraude, disparaît rapidement dans la forêt.
Les forêts tropicales indonésiennes abritent 41 espèces d'oiseaux de Paradis, dont 37 vivent dans la jungle de la partie occidentale de l'île de Papouasie, explique à l'AFP l'ornithologue Charles Roring.
Ces Paradisiers, appelés cendrawasih en indonésien et capables d'exécuter des mouvements qui ressemblent à une danse, se raréfient en raison du braconnage et de la déforestation, qui progresse à mesure que les plantations agricoles se multiplient.
L'Union internationale pour la conservation de la nature (UICN) n'estime toutefois pas que les oiseaux de Paradis de Papouasie indonésienne sont menacés de disparition -- contrairement à certaines espèces de Paradisiers dans la partie orientale de l'île, la Papouasie Nouvelle-Guinée, un Etat indépendant.
Il n'empêche. Villageois et écologistes craignent d'ores et déjà que ces oiseaux, moins nombreux qu'autrefois, ne finissent un jour par disparaître complètement en Papouasie indonésienne.
Empaillés
Ils sont admirés pour leurs couleurs vives, comme le Paradisier petit-émeraude à la tête jaune pâle, la gorge vert émeraude et les ailes marron, reconnaissable au filament jaune vif et blanchâtre de ses longues plumes. Le Paradisier multifil, lui, a un plumage pourpre et jaune soufre et de très longues plumes.
Les mâles sont appréciés aussi pour leurs parades nuptiales.
Victimes de pièges posés par des braconniers, ils sont ensuite revendus comme des ornements. Leurs plumes aux tons vifs sont également recherchées par les tribus papoues pour des décorations, telles que les coiffes.
Les oiseaux de Paradis sont pourtant une espèce protégée par loi indonésienne, mais le trafic se poursuit inlassablement. Ils sont écoulés au marché noir dans d'autres régions d'Indonésie ou en Asie du Sud-Est.
"Les moyens pour appliquer la loi sont très limités", constate Benja Mambai, du bureau du Fonds mondial pour la nature (WWF) en Papouasie.
La faible surveillance, la demande sur le marché noir et la corruption favorisent les trafics.
Les oiseaux sont vendus pour la plupart empaillés. C'est le moyen le plus facile pour les trafiquants de les transporter à travers le pays sans éveiller l'attention, selon M. Mambai.
A Sorong, l'une des plus grandes villes de Papouasie, un vendeur de souvenirs raconte à l'AFP que des bandeaux traditionnels fabriqués avec des plumes d'oiseaux de Paradis se vendent jusqu'à 1,5 million de roupies, soit un peu plus de 90 euros, une fortune dans un pays où près de 40% des habitants vivent avec moins de 2 euros par jour.
Ecotourisme
Mais "de nos jours, le vrai danger n'est pas seulement la chasse", explique M. Roring. "C'est l'exploitation forestière illégale. La transformation de forêts en plantations d'huile de palme et de cacao est la plus grande menace".
La province de Papouasie abrite un tiers des forêts tropicales d'Indonésie, mais la réduction de leur surface s'accélère.
En 2014-2015, plus de 100.000 hectares de forêt tropicale ont ainsi été abattus - la plus grande perte annuelle depuis 2001 - au profit de l'expansion des cultures, selon l'ONG Global Forest Watch.
Les sociétés d'huile de palme ont commencé à s'implanter près du village de Malagufuk il y a trois ans, observe Max Binur, de l'ONG de défense de l'environnement Belantara Sorong.
Estimant que ces entreprises allaient détruire les forêts des alentours et le mode de vie traditionnel des villageois, M. Binur a imaginé une solution pour aider cette commune de 70 âmes à protéger les oiseaux et la forêt: Malagufuk s'est tranformé en village écologique.
Certains habitants sont devenus guides touristiques et d'autres louent désormais un logement aux touristes.
Trek et boue
Auparavant, des villageois chassaient les Paradisiers pour gagner un peu d'argent en les revendant. Désormais, une vingtaine de touristes viennent chaque mois à Malagufuk pour admirer ces oiseaux et d'autres espèces locales.
Les visiteurs doivent effectuer un trek de deux heures à travers la jungle et des chemins parfois boueux pour atteindre le village isolé, où les maisons sont sur pilotis et où l'électricité est limitée.
Mais cela ne décourage pas les amateurs de faune et flore. Lisa von Rabenau, une touriste allemande, se dit ravie de son séjour d'écotourisme. "Ma mère est passionnée d'oiseaux et nous connaissions les oiseaux de Paradis après avoir regardé des documentaires", raconte-t-elle.
Après Malagufuk, M. Binur projette de créer d'autres éco-villages en Papouasie.
Il espère ainsi que le tourisme contribuera à la protection de ces oiseaux et profitera aux habitants de la province.
"Si nous développons l'écotourisme, les touristes dépenseront ainsi un peu de leur argent pour que les villageois puissent subvenir aux besoins de leurs familles, envoyer leurs enfants à l'école, acheter des vêtements... Et avec ça, ils auront conscience qu'ils sauvent la nature."
A LIRE AUSSI.
Chassé en Indonésie pour sa viande, le "macaque au selfie" en péril
Sumatra: des éléphants patrouilleurs sauvent leurs cousins sauvages
L'île tahitienne de Brando: quand luxe et écologie font cause commune
Amazonie: les tribus aiguisent leurs flèches contre les envahisseurs
Envie d'afficher votre publicité ?
Contactez-nousEnvie d'afficher votre publicité ?
Contactez-nous
L'espace des commentaires est ouvert aux inscrits.
Connectez-vous ou créez un compte pour pouvoir commenter cet article.