Trois jours après l'annonce officielle des combats dans cette ville du sud de l'archipel, les quartiers les plus touchés par les combats paraissent avoir été rasés par un tsunami, selon des journalistes de l'AFP qui ont pu s'y rendre.
Nombre d'immeubles ne sont qu'un amas de gravats, où les rares signes de vie sont des chiens sauvages rachitiques en quête de nourriture.
Non loin, la coupole dorée criblée d'impacts de balles d'une mosquée ne semble plus tenir que sur le squelette d'acier de son béton armé. Le minaret est à terre, entre deux bâtiments pulvérisés.
Des centaines de jihadistes ayant prêté allégeance au groupe Etat islamique avaient pris le 23 mai le contrôle de secteurs entiers de cette ville à majorité musulmane, dans ce qui fut analysé comme une tentative pour créer une base de l'EI en Asie du Sud-Est.
L'armée philippine semblait alors convaincue de mater rapidement ce soulèvement aux allures de défi à l'autorité centrale d'un Etat majoritairement catholique.
En dépit de bombardements militaires quasi quotidiens, du renfort de radars américains dernier cri et d'une supériorité numérique écrasante, l'armée a mis cinq mois à écraser l'insurrection.
Tireurs embusqués
Même brève, la visite des quartiers les plus touchés par les combats permet de comprendre les techniques de survie très poussées des jihadistes, qui n'ont pas hésité à creuser des passages dans des chapes de béton de 25 cm d'épaisseur.
Ces ouvertures permettaient aux combattants d'échapper aux bombardements en allant se réfugier, via les égoûts, dans les bâtiments voisins de ceux visés par les frappes sans être détectés.
"Ils ne voulaient pas circuler en terrain découvert, surtout dans les derniers temps (de la bataille)", explique aux journalistes le lieutenant-colonel Samuel Yunque.
Mais ce commandant d'une unité d'élite qui a fait toute la campagne de Marawi ajoute que l'armée aussi s'est adaptée aux tactiques des insurgés, pratiquant ses propres ouvertures dans les murs des immeubles afin que les soldats puissent évoluer rapidement d'un bâtiment à l'autre sans avoir à emprunter des rues où ils auraient été exposés.
Le lieutenant-colonel raconte un épisode, au début de la bataille, quand son unité a mis deux jours en tentant avec des méthodes conventionnelles d'aller porter secours à 16 militaires dont les deux véhicules blindés avaient été mis hors service par des lance-roquettes ennemis.
"Ils étaient entourés de tireurs embusqués au sommet des bâtiments les plus hauts qui tentaient de les brûler vifs en jetant des cocktails Molotov sur leurs véhicules", a-t-il relaté aux journalistes.
"Quand on les a récupérés, ils souffraient de brûlures. Ils n'avaient pas mangé depuis des jours et arrivaient à court de munitions".
Epargner les mosquées
L'armée a aussi justifié la durée de la bataille par le fait que les jihadistes se terraient dans les mosquées et se protégeaient derrière des boucliers humains.
Or les militaires étaient censés éviter de tirer sur les mosquées. Au final, l'état-major a estimé qu'ils n'avaient plus le choix.
C'est un édifice religieux qui a été lundi le théâtre de la dernière bataille, au cours de laquelle deux militaires et 42 insurgés ont été tués, avait indiqué le général Eduardo Ano, chef de l'armée.
Dans un autre quartier, un énorme cratère est tout ce qu'il reste de l'ancien commissariat de la ville.
Les autorités affirment qu'un officier de police y a été décapité au tout début du conflit, quand les jihadistes ont libéré des centaines de détenus d'une prison adjacente.
Un avion militaire a par la suite larqué sur le commissariat une bombe de 113 kg, selon les autorités.
L'armée affirme que les jihadistes ont secrètement fait des provisions de nourriture, de munitions et d'explosifs à Marawi pendant les mois qui ont précédé le soulèvement, infiltrant par ailleurs un millier de combattants dans la ville.
Le président philippin Rodrigo Duterte et des experts de la zone estiment que les jihadistes espéraient décréter un califat avec Marawi pour base, au moment où l'EI essuie des revers en Irak et en Syrie.
Les insurgés sont parvenus à contrôler jusqu'à 4.000 bâtiments de la ville, selon le commandant militaire de la région, le lieutenant-général Carlito Galvez.
En cinq mois, au moins 920 combattants jihadistes ont été tués à Marawi, ainsi que 165 militaires et 47 civils, selon le gouvernement. Plus de 400.000 civils ont fui la ville.
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