Dans ce jardin à la française, classé monument historique en 1926 et inscrit par l'Unesco au patrimoine mondial de l'humanité, sont cultivées plus de 460 variétés fruitières et presque autant de variétés légumières, allant de l'impressionnant potiron galeux d'Eysines à la poire d'ange, et du concombre à confire à l'arbre à tomates.
Quarante à cinquante tonnes de fruits et légumes y sont produites par an, l'essentiel étant vendu en frais, l'autre partie transformée en conserves et en jus.
Le Potager, ouvert au public depuis 1991, reçoit par ailleurs 40.000 visiteurs payants par an et abrite depuis 1976 l'École nationale supérieure du paysage (ENSP) qui forme des paysagistes.
Mais depuis quelques années, certains murs s'effritent voire s'effondrent; les arbres fruitiers périclitent, victimes de maladies, du changement climatique ou de leur ancienneté; le système de drainage qui date encore de l'époque de la création du jardin (1678-1683), en partie colmaté aujourd'hui, est à rénover.
Selon Vincent Piveteau, directeur de l'ENSP qui gère le Potager, il faudrait "à peu près 5 millions d'euros" pour restaurer le jardin, voire "10 millions pour pouvoir mieux accueillir le public".
60 formes fruitières
Aidés occasionnellement par des bénévoles, stagiaires ou étudiants de l'ENSP, neuf jardiniers s'activent quotidiennement sur les neuf hectares de parcelles entourées de hauts murs, érigés par l'architecte Jules Hardouin-Mansart, pour créer des micro-climats propices aux cultures.
Au Potager, on entend notamment conserver les pratiques de taille à l'ancienne avec plus de 60 formes fruitières différentes: espalier, palmette, vase Médicis, etc. Et une nouvelle contrainte s'est imposée depuis quelques années: cultiver sans traitement phytosanitaire par pulvérisation, ni herbicide.
"On produit dans ce jardin avec des techniques tout à fait contemporaines et prospectives grâce à l'agro-écologie, à la permaculture", souligne M. Piveteau. Pour les 400 étudiants qui fréquentent l'établissement, c'est un "lieu fondamental et fondateur" car c'est là qu'ils "apprennent à comprendre les dynamiques agricoles, agronomiques, écologiques et le travail des jardiniers", dit-il.
"Ici, c'est un lieu de production et un lieu de promenade, un lieu de transmission autant qu'un lieu de découverte", résume le responsable du Potager, Antoine Jacobsohn.
Pour cet agronome, on n'est pas ici "face à l'urgence de type ouragan ou tremblement de terre, mais il est primordial de réfléchir aujourd'hui à comment maintenir l'ambiance du jardin, comment faire pour (que) nos formes fruitières, nos alignements d'arbres (...) correspondent aux enjeux écologiques et économiques" de demain.
"Il faut y réfléchir maintenant, avant que tout devienne moins beau, prévient-il. C'est déjà le cas: nous avons 40% de nos arbres à remplacer."
Alep, Versailles, Essaouira
Alerté par l'ENSP, le World Monuments Fund (WMF), ONG internationale basée à New York qui a pour but d'aider à la conservation du patrimoine mondial d'exception, a récemment répondu présent: le Potager du Roi figure sur sa liste 2018 des 25 lieux à protéger en priorité. Au même titre que le souk d'Alep, le quartier juif d'Essaouira ou encore des lieux endommagés par les ouragans dans les Caraïbes.
"Ce site extraordinaire a de gros besoins, un énorme potentiel et il fédère un partenariat local extrêmement fort autour de lui", énumère Joshua David, chef d'une délégation du WMF venue faire un état des lieux mi-octobre à Versailles. Autant de caractéristiques qui font, selon lui, que ce lieu historique méritait de figurer sur cette liste.
Mais, fait-il remarquer, avoir été sélectionné n'est "que le début du processus". Reste désormais à mobiliser mécènes locaux et internationaux autour du projet.
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