Le fichier "comportement copain" conseillait de diversifier les fournisseurs en matière d'achat d'armes pour ne pas alerter le renseignement. Celui intitulé "comportement étrangères" dispensait un cours sur le caractère secret des actions à mener, le "comportement grand-mère" insistait sur l'importance des cellules dans l'organisation jihadiste et "le comportement cousine" portait sur la sécurité des moyens de communication.
En tout, 17 fichiers audio représentant plus de 20 heures de cours donnés en arabe littéraire par un membre d'Al-Qaïda depuis Kaboul, ont été retrouvés dans un lecteur multimédia découvert au domicile de l'accusé.
"Il s'agit de cours de préparation au jihad mais dans un esprit général. C'est détaillé, rigoureux, précis", a expliqué à l'audience Abdelkader Merah, affirmant les avoir consultés par curiosité intellectuelle.
"Le jihad fait partie de notre religion comme le jeûne ou la prière. Il est intéressant de connaître les diverses positions existant sur ce thème", a-t-il expliqué.
"Je suis musulman et je voulais savoir quels étaient les arguments de ceux qui ont pour projet d'instaurer un Etat islamique. Quand j'ai su que c'était un combattant qui s'exprimait, je me suis dit que je pouvais avoir accès au coeur d'Al-Qaïda", a-t-il justifié. "C'était aussi pour me perfectionner en arabe littéraire car c'étaient des textes accessibles".
Abdelkader Merah est jugé pour "complicité" des sept assassinats perpétrés par son frère Mohamed en mars 2012. Il est également accusé d'avoir participé "à un groupement criminel affilié à Al-Qaïda prônant un islamisme jihadiste (...) en appliquant à lui-même et à son frère Mohamed les recommandations de cette organisation dont il possédait les enseignements et les conseils opérationnels".
"Pas de barbe sur les photos"
Abdelkader Merah a expliqué avoir écouté les cours de préparation au jihad, téléchargé sur Youtube ou donné par un autre frère, pendant qu'il travaillait sur des chantiers. "Je les écoutais comme d'autres audios sur la vie du prophète Mahomet ou des bases de la jurisprudence", a-t-il dit.
Il a cependant reconnu avoir dissimulé les fichiers sous des appellations familières pour se préserver "d'une éventuelle perquisition".
Parmi les recommandations, les cours suggéraient de ne pas porter de barbe sur ses photos d'identité, de se méfier des téléphones -"c'est l'oeil de l'État sur toi"-, d'utiliser le statut "d'étudiant" ou "de touriste" comme "couverture" et surtout, de "ne pas se presser, d'attendre une ou deux années avant de commencer son travail jihadiste".
"Il est important de connaître ces notes pour voir s'il a été fait application de ces conseils opérationnels dans notre dossier", a justifié le président de la cour.
"Pour moi, c'est plutôt un élément à décharge", a estimé l'avocat de Merah, Me Eric Dupond-Moretti. "S'il avait préparé ce que nous savons (les attentats de son frère) pourquoi aurait-il gardé tout cela?"
"L'auteur de l'audio interdit les actions isolées. Il dit que le combattant doit rester vivant. Les actions de mon petit frère n'ont rien à voir avec ces recommandations", s'est défendu Abdelkader Merah, assurant ne pas avoir évoqué ces notes avec son jeune frère.
"Tout de même, écouter ces textes pendant des heures traduit plus qu'un simple intérêt intellectuel", a insisté le président. "Et avec qui débattiez-vous de tout cela?, a-t-il demandé.
"Avec des frères de religion, une ou deux personnes mais je ne vais pas vous donner leur nom, ils seraient avec nous dans le box", a répondu Merah, dont c'était le dernier grand interrogatoire avant la fin du procès prévu le 2 novembre.
"La seule personne qui a montré officiellement de l'intérêt pour ce sujet, c'est votre frère Mohamed?", a poursuivi le président.
"Avec mon frère, je n'avais pas d'échanges religieux", a assuré l'accusé, ajoutant: "Si Sabri Essid avait été mon frère de sang, on aurait pu échanger plus profondément".
Fils de son ex-beau-père, Essid est un ancien membre de la filière toulousaine dite d'Artigat parti combattre en Syrie.
pr/epe/cam
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