L'AS Cannes (National 3, 5e niveau) a son président champion d'Europe en 2000, Johan Micoud, le Sporting Toulon table sur l'ambition d'un "Bernard Tapie de National 2", Claude Joye, alors que le FC Martigues (N2) s'est jeté dans les bras d'un mannequin de mode, Baptiste Giabiconi. Tous rêvent de retrouver un jour l'élite du foot français.
Mais l'économie du foot moderne est cruelle, comme l'a rappelé la chute de Bastia cet été de Ligue 1 en N.3 pour une dette colossale de 21 millions d'euros, surtout dans les divisions sans droits télé.
Les villes ne suivent plus le sport business. "Les clubs qui bâtiraient leur modèle sur les subventions vont au devant de désillusions", prévient Didier Primault, directeur du Centre de droit et d'économie du sport (CDES) de Limoges.
Pour boucler les fins de mois, l'actionnaire majoritaire du SC Toulon, Claude Joye, a lui mis sa fortune personnelle (il dirige un groupe de cabinets comptables) pour bâtir le plus gros budget de la poule A de N2: 2 millions d'euros.
Mais seul un club peut monter en N1 et la concurrence est rude.
"Je voyais le club sombrer"
Joye a professionnalisé le SC Toulon, avec par exemple un service médical de luxe pour la N2, et compte huit contrats fédéraux, c'est-à-dire des "semis-pros", dans son effectif. Il se démène mais son club n'est monté que deux étages en cinq ans. Il vise un objectif raisonnable: la L2 en 2022 pour un club qui compte 12 saisons en L1 (années 50, 60 et 80).
Martigues s'est fixé la même date limite dans cette poule A, mais a choisi une option plus glamour pour retrouver la L2: une star du show-biz, Baptiste Giabiconi, égérie Chanel et chanteur de variétés.
Le FCM et ses trois saisons de L1 (1993-1996) mise sur le carnet d'adresses et l'énergie de son président de 27 ans, qui doit permettre le désengagement progressif de la Ville.
Cannes, et ses huit matches de Coupe de l'UEFA (entre 1991 et 1994), parie sur l'expertise de Johan Micoud, enfant du club et vainqueur de l'Euro-2000.
Le maire David Lisnard, dont le père Denis Lisnard a joué en pro à l'ASC et dont le grand-père a été dirigeant, est allé chercher Micoud. "Je voyais le club sombrer politiquement et moralement", explique l'élu.
Mais l'ASC part de plus loin, du N3, qu'il vient d'atteindre, et vise la L2 d'ici 2024.
Istres, Arles, les météorites
Le club qui a aussi lancé Zinédine Zidane mise évidemment sur la formation, mais tout est à reconstruire, et le 6-0 encaissé contre Aubagne lors de la 8e journée rappelle que le chemin sera long...
Derrière ces ambitieux, d'autres bastions historiques du Sud préfèrent carrément renoncer au foot pro, trop cher pour des villes moyennes, comme Alès, 40 saisons de professionnalisme (6 en L1), tombé en N3.
Sète (N2), premier club français à réaliser le doublé, c'était en... 1934, est refroidi après trois faillites (1960, 1989, 2009).
Quant aux météorites Istres ou Arles, une saison chacun en L1 au cours des 20 dernières années, elles limitent leur ambition à réparer les dégâts causés par la folie du football professionnel, mais bien des étages plus bas. Elles sont retombées en Régionale 1, le 6e niveau national.
Istres a fini par s'écrouler en 2015, après avoir longtemps tenu dans le monde professionnel (L1 2004-2005) et Arles ne s'est jamais remis de la folie des grandeurs du président Marcel Salerno et d'un mariage sans amour avec Avignon sur l'autel de la L1 en 2010.
Car l'"effet président de club" peut être diabolique. "L'impact médiatique est incroyablement fort, certains deviennent fous", prévient Didier Primault. La gloire, Micoud et Giabiconi connaissent déjà, Joye a juré qu'on ne l'y prendrait pas. Lequel ramènera le premier son club dans le monde pro?
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