"En trois jours, ils n'ont mangé que du pain. Un voisin leur a donné de la farine", lâche la jeune maman, les larmes aux yeux, installée avec ses quatre enfants en bas âge à Hamouria, localité de la Ghouta orientale à l'est de Damas.
Cette vaste région de près de 400.000 habitants tenue par la rébellion est assiégée depuis 2013 par le régime de Bachar al-Assad et l'aide humanitaire y parvient au compte-goutte.
Résultat: les pénuries de nourriture et de médicaments se sont aggravées. Quand ils sont disponibles sur les marchés, notamment grâce à la contrebande, les produits se vendent à prix d'or. Plus d'un millier d'enfants souffrent de malnutrition aiguë, a mis en garde l'Unicef.
Même si depuis juillet la Ghouta est une des quatre "zones de désescalade" instaurées en Syrie pour obtenir une trêve dans les combats, les besoins humanitaires dans le secteur sont "énormes", et la situation pourrait rapidement prendre des "proportions tragiques", a souligné le Comité international de la Croix Rouge (CICR).
"En 24 heures, on a pris un seul repas, qui ne peut pas suffire à rassasier les enfants", déplore le mari de Manal, Abou Azzam.
Pour survivre, le couple a vendu tous ses meubles. Dans la pièce principale, il ne reste plus qu'un modeste lit en fer, des matelas posés à même le sol, des chaises en plastique. Aux portes et aux fenêtres qui ont perdu leurs vitres, on a pendu des draps pour se protéger du vent de plus en plus automnal.
Infirme, Abou Azzam ne peut pas travailler et se déplace avec des béquilles depuis deux ans. Il a été blessé à une jambe lors d'une frappe aérienne contre leur ancienne maison. Dans le même raid, la famille a perdu un cinquième enfant et Azzam, huit ans, a été amputé de la jambe gauche. Lui aussi se déplace à l'aide d'une béquille.
'Besoins énormes'
Autrefois région agricole fertile, la Ghouta orientale a été ravagée par des années de combats. Frappes aériennes et tirs d'artillerie du régime ont éventré les immeubles, tandis que des rues entières sont inhabitables.
Les infrastructures de base n'ont pas été épargnées: l'électricité est uniquement disponible grâce à des générateurs, et l'eau est difficilement potable et souvent vecteur de maladies.
En devenant une zone de désescalade, la Ghouta devait obtenir plus d'aide humanitaire, qui ne peut entrer dans la région que sur autorisation du régime.
"Les forces russes ont effectué deux distributions à des barrages de contrôle, et puis plus rien", affirme le directeur de l'Observatoire syrien des droits de l'Homme (OSDH), Rami Abdel Rahmane. Moscou, allié du régime, avait négocié l'initiative des zones de désescalade avec l'Iran et la Turquie.
Le dernier convoi d'aide humanitaire à être entré dans la Ghouta remonte à la fin septembre. Il transportait de la nourriture et des aides médicales pour quelque 25.000 personnes.
"Les besoins humanitaires dans la Ghouta orientale sont énormes", reconnaît une porte-parole du CICR, Ingy Sedky, qui précise que "la situation est en train d'empirer".
"De par notre expérience dans ces cas là, où la population dépend des approvisionnements en aide humanitaire pour ses besoins les plus basiques, nous savons que la situation peut se détériorer très rapidement, et atteindre des proportions tragiques", prévient-elle.
Mère faible, enfant faible
Dans ces conditions, des drames sont inévitables.
Ce week-end, deux nourrissons sont morts des suites de leur malnutrition, notamment la petite Sahar Dofdaa. Elle n'avait que 34 jours et les photos de son corps squelettique ont fait le tour du monde.
Yahya Abou Yahya, médecin de Hamouria, explique que la malnutrition dont souffrent les mères qui allaitent leur nouveau-né est l'une des causes principales de la malnutrition infantile.
"Les nutriments dont ont besoin les mères ne sont pas disponibles", déplore le médecin.
"La plupart souffrent d'anémie, de carence en vitamine A et D, de carence en fer", précise-t-il. "Leur corps est faible et le corps de leur enfant est donc faible".
Autre facteur essentiel: une situation sanitaire déplorable et le manque d'eau potable, qui peuvent entraîner des diarrhées chez les nourrissons.
Ces trois derniers mois, 232 enfants ont souffert de malnutrition aiguë sévère, et 882 de malnutrition aiguë modérée, selon l'Unicef, qui précise que 1.589 autre enfants se trouvent dans une situation "à risque".
"Je souhaite qu'un jour vienne où l'on pourra manger trois repas par jour", soupire Abou Azzam.
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