"On est inséparables", glisse l'un. Cheveux ras et chemises grises, visage rond et nuque épaisse, ces deux hommes de 24 ans manient devant le tribunal correctionnel le "on" comme une évidence.
Issus d'une famille musulmane non pratiquante, ces deux anciens agents de sécurité, passés brièvement par l'armée de terre, sont accusés d'avoir rejoint, en 2014, l'organisation Etat islamique (EI) en Syrie.
Tous deux expliquent s'être "radicalisés progressivement sur internet" début 2014, après avoir été licenciés de la même société: un nouveau chef n'aurait pas apprécié leurs origines turques. "On était en colère", résume Tugay Durmaz.
Les deux hommes quittent l'appartement qu'ils occupaient ensemble et retournent chez leurs parents: "On est sans projets. On s'est cherché une aventure", raconte Tuncay.
Les voilà qui passent des heures, dans le salon familial, à regarder des vidéos anti-Bachar al-Assad diffusées par l'Armée syrienne libre (ASL) et le groupe jihadiste Front al-Nosra, branche syrienne d'Al-Qaïda. Ils deviennent assidus à la mosquée.
"On a pensé qu'on pourrait aller là-bas aider les gens" et "participer à la révolution syrienne", assure Tugay, quitte à combattre.
Gilet tactique, porte-chargeur... Ils commandent du matériel militaire sur internet puis, en avril 2014, passent en Syrie via la Turquie. Finalement sans ces achats.
Tous deux affirment qu'ils s'attendaient à rejoindre le front al-Nosra mais que les Tchétchènes qui les ont pris en charge les ont remis à l'organisation Etat islamique en Irak et au Levant (EIIL, ancêtre de l'EI). "On s'est sentis piégés", assure Tugay Durmaz.
Tous deux racontent avoir refusé de s'entraîner et concèdent seulement avoir monté des gardes armées. "Un Belge nous a raconté l'idéologie extrême de Daech, ça nous a pas plu", affirme Tugay devant un tribunal sceptique.
Ils étaient rentrés en France via la Turquie à l'automne 2014, d'abord Tuncay Durmaz, puis Tugay - blessé selon lui lors d'un tour de garde.
Les blessures de Tugay à son retour en France avaient alerté ses médecins, qui avaient contacté les enquêteurs. Ils avaient été interpellés en mai 2016.
Huit ans requis
Les frères affichent aujourd'hui un discours très distancié. "On sait qu'on a été pris pour des cons", affirme Tuncay à ses juges. "Y'a un côté sectaire avec le terrorisme, ils vont manipuler des gens un peu paumés", renchérit Tugay.
"J'ai tourné la page. Tout ça, c'est fini", reprend Tuncay. Avant leur interpellation, tous deux ont eu le temps de se réinsérer. Lui s'est marié et est devenu maître-chien.
A la barre, les deux grands frères des prévenus ne disent pas autre chose.
"C'est des chamallows", résume l'un. "Ils sont bêtes, ils sont pas mûrs dans leur tête", avance l'autre, mais "je ne pense pas" qu'ils soient encore radicalisés, "ça se voit".
Mais pour le procureur, des "incohérences" subsistent dans le récit des jumeaux, qui n'ont pas hésité au cours de l'enquête à "mentir à la justice et à nier l'évidence".
La représentante de l'accusation, qui se base sur le travail d'un expert contesté par la défense, Stéphane Mantoux, estime qu'il est "certain" qu'ils ont combattu dans les rangs de l'EI en Syrie.
Soulignant que l'un parle de "lien très puissant" avec son frère, que l'autre évoque une "fusion" gémellaire, elle requiert la "même peine" contre les jumeaux : huit ans d'emprisonnement, assortis d'une période de sûreté des deux tiers.
Jugement dans la soirée.
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