"Cela fait un moment que les députés ont intégré Twitter, Facebook, etc. dans leur communication politique. Ils ont compris que c'était essentiel pour toucher la population", explique à l'AFP l'historien des médias Alexis Lévrier.
Mais dans la nouvelle Assemblée, très renouvelée et rajeunie, le phénomène s'est encore amplifié. L'hémicycle prend parfois des airs de "cour de récréation", avec des élus se faisant photographier à chaque intervention, selon Philippe Gosselin (LR).
Les élus encore absents des réseaux "seront obligés d'y venir", et "ceux qui ne les voient que comme une contrainte se privent de moyens", même si "le risque est moindre quand ils sont déjà identifiés", observe Alexis Lévrier.
Aujourd'hui, "on existe peu sans les réseaux sociaux", façon de dire "je suis là, je suis là", renchérit le psychanalyste Jean-Pierre Friedman, spécialiste des relations de pouvoir.
Malgré d'éventuelles "grosses bévues", c'est un moyen de se faire connaître "peu coûteux et qu'on peut contrôler", abonde Thierry Vedel, chercheur CNRS au CEVIPOF.
Depuis juin, outre les débuts hésitants d'élus moqués par des internautes, certains néophytes, par "souci louable de s'adresser à leurs administrés, ont utilisé les réseaux pour raconter leur vie", relève Alexis Lévrier.
Mireille Robert (LREM) a raconté sa rentrée en évoquant dans une vidéo "des cocktails et des cocktails et des cocktails"... Claire O'Petit (LREM) a aussi été critiquée, comme pour ses propos polémiques sur les APL.
Ces maladresses viennent de députés qui "découvrent les réseaux sociaux", pas de la génération qui sait qu'"internet a une mémoire", juge l'historien de la presse, pour lequel c'est "conjoncturel".
LFI "a mis le paquet"
Chez les Insoumis, des "talents" ont vite émergé, aidés par cette "caisse de résonance", observe Alexis Lévrier.
Ugo Bernalicis, qui n'a pas hésité mardi à promouvoir une vidéo sur sa chaîne YouTube pendant les questions au gouvernement, défend auprès de l'AFP une "stratégie délibérée pour que "ce qui se passe à l'Assemblée ne reste pas à l'Assemblée".
"On a mis le paquet là-dessus" pendant la campagne présidentielle et "on a une base qui nous suit", affirme l'élu nordiste, qui propose "le topo d'Ugo", petites pastilles face caméra, et revendique 3 à 4.000 vues pour les interventions LFI.
Mais un élu LREM reproche aux Insoumis, pour faire du buzz selon lui, de chercher à provoquer des incidents et "faire apparaître comme méprisante" la majorité.
Certains jeunes avec "pourtant des histoires à raconter" préfèrent aussi Twitter et Facebook, entre autres "parce qu'ils n'ont pas confiance" dans les médias classiques, selon une source LREM. Et, "avec une vidéo d'une ou deux minutes, on peut faire émerger des députés talentueux, avec une expertise, qui auraient moins accès aux médias nationaux", juge un "marcheur", assurant que l'objectif est de "compléter, pas contourner, l'offre médiatique".
Mais ils parviennent jusqu'alors moins à émerger, car leur "communication lisse" est "le reflet du côté très vertical de la gouvernance Macron", estime Alexis Lévrier.
Pour LREM comme pour LFI, Thierry Vedel note aussi un "souci stratégique de mieux contrôler la parole publique et ne pas passer par l'intervention des journalistes", "vieux fantasme de la politique", selon ce chercheur.
Les réseaux "ont un côté rassurant parce qu'on a la maîtrise de ce qu'on publie", confirme Ugo Bernalicis. Mais cela vient "en complément des passages médias, pas en remplacement".
A l'heure où chaque élu sera sous peu équipé de tablettes pour tendre vers le "zéro papier", Philippe Gosselin estime qu'"il y a peut être des règles nouvelles à apporter".
L'élu, qui lui-même "tweete, Facebooke, et communique beaucoup", souhaite néanmoins, via les groupes sur la réforme de l'Assemblée, alerter sur le "danger" que les élus ne soient "pris pour des clowns".
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