"Je me revendique comme un musulman orthodoxe", a expliqué Abdelkader Merah en réponse à une question du président Franck Zientara sur sa proximité avec l'idéologie salafiste.
"Dans ma perception de l'islam, je n'appelle aucunement à des actions violentes (...) ce n'est pas avec des morts que l'on fait progresser l'islam", a-t-il précisé par la suite.
Ambigu, il a affirmé condamner les actes de son frère qu'il a pour la première fois qualifié de "musulman terroriste", mais a aussi dit souhaiter qu'il soit au paradis et être prêt à donner son nom à son fils pour lui rendre hommage.
Durant l'enquête, il avait déclaré que son frère avait eu "une belle mort", "tout musulman aimerait se faire tuer par son ennemi". Il affirme aujourd'hui avoir dit ça "sous le coup de la colère".
Abdelkader Merah est jugé pour "complicité" des sept assassinats perpétrés par son frère Mohamed en mars 2012. Il est également accusé d'avoir participé "à un groupement criminel affilié à Al-Qaïda prônant un islamisme jihadiste (...) en appliquant à lui-même et à son frère Mohamed les recommandations de cette organisation dont il possédait les enseignements et les conseils opérationnels".
Durant son interrogatoire, l'accusé s'est exprimé avec calme et sang-froid, éludant les questions les plus sensibles dans des débats théologiques.
"Esquive", "taqîya" (dissimulation), ont dénoncé les avocats des familles de victimes. L'un d'eux a provoqué des sourires gênés dans la salle en affirmant que l'accusé se "tournait vers la Mecque" pour répondre. Mais "il regarde la cour", a rectifié le président.
"Une gifle au quartier"
Sur son engagement religieux en 2006, Abdelkader Merah dit avoir recherché "une paix intérieure". L'un des déclencheurs a été, selon lui, l'influence de Sabri Essid, un des membres de la communauté salafiste d'Artigat (Ariège), parti combattre en Syrie.
"Avant, pour nous, l'islam, c'était moyenâgeux, fermé, il (Sabri Essid) a mis une gifle au quartier en montrant que l'on pouvait être musulman, avoir une belle voiture, une belle femme, ne pas vivre en marge de la société", a-t-il expliqué.
Et comme "Essid connaissait Olivier Corel et les frères Clain (respectivement fondateur et membres de la communauté d'Artigat, ndlr), je les ai côtoyés, mais comme je côtoyais des frères d'autres courants religieux", a-t-il affirmé.
Pour lui, l'extrémisme du groupe d'Artigat relève "de l'imaginaire, du fantasme des enquêteurs". Ce sont les frères Clain qui ont revendiqué depuis la Syrie les attentats du 13 novembre 2015 à Paris.
Interrogé sur ses quatre voyages en Egypte où il a suivi des cours à l'école Al Fajr, prisée des salafistes, il dit avoir voulu apprendre l'arabe pour mieux comprendre le Coran et reconnaît avoir été conseillé par Jean-Michel Clain, qui avait déjà fait le voyage.
Sur les textes extrémistes retrouvés sur un disque dur à son domicile, il parle d'un "cocktail sans idéologie précise, avec 10% de textes jihadistes" collecté pour s'informer sur le sujet.
Sur le jihad, il souligne qu'il "fait partie du Coran comme la prière, le jeûne ou le pèlerinage". "Votre référence M. le Président, c'est le code pénal, moi c'est l'islam", dit-il, affirmant n'avoir "jamais fait allégeance à personne". Mais il estime que "tout musulman sincère souhaite avoir un toit où il pourra vivre sous les lois musulmanes".
Interrogé sur sa connaissance des voyages de son frère, notamment au Pakistan où il s'est fait adouber par un groupe proche d'Al-Qaïda, il dit avoir cru au départ à des voyages touristiques puis avoir eu des doutes. Je suppose que "s'il a eu des contacts avec Al-Qaïda, c'est qu'il avait des recommandations", a-t-il dit, réfutant avoir pu jouer ce rôle d'intermédiaire.
D'ailleurs, il conteste l'influence religieuse sur son frère qu'on lui prête. "Pourquoi voulez-vous qu'il se tourne vers moi? Je ne suis pas d'un grand niveau (sur l'islam), à peine le niveau CP en Egypte."
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