"Je pense qu'il y a eu des retards dans le déroulement de l'enquête. Des ratés? je ne sais pas", a expliqué à la barre l'ex-grand flic, 62 ans, aujourd'hui préfet hors cadre, rappelant que Mohamed Merah a "inauguré un nouveau mode opératoire qui a surpris tout le monde, changé de braquet".
"Après la tuerie de Montauban (trois militaires exécutés, ndlr) ou je reprends le manche, car avant je ne connaissais pas le dossier, j'ai été l'un des premiers à tourner la piste de l'extrême droite", a-t-il affirmé.
"Pour moi, quand on tire sur les militaires d'un régiment qui revient d'Afghanistan, c'est automatiquement la piste islamiste", a-t-il expliqué, mettant en cause implicitement l'enquête conduite alors par la police judiciaire, la sous-direction antiterroriste et les parquets de Toulouse et Montauban.
La cour d'assises spéciale de Paris juge depuis le 2 octobre le frère de Mohamed Merah accusé de complicité dans les sept assassinats perpétrés en mars 2012 à Toulouse et Montauban par le tueur au scooter.
Bernard Squarcini est également revenu sur la thèse du "loup solitaire" qu'il avait jadis professé, affirmant avoir été alors mal compris: "Je suis désolé si mes propos ont été dénaturés", a-t-il lancé avant de développer la version d'un tireur isolé mais sous influences.
"Mohamed Merah a agi seul pour préserver sa faculté d'exécution, s'inscrire dans la durée", a expliqué l'ex-flic, rappelant que le tueur avait d'autres cibles prévues.
"Trois réseaux derrière Mohamed Merah"
Mais derrière lui, il y avait "des réseaux", a-t-il ajouté. Le premier, c'est "celui de la communauté d'Artigat avec l'émir blanc Olivier Corel et les frères Clain", le second est "celui de sa famille avec son frère Abdelkader et sa soeur Souad", "le troisième que l'on découvrira plus tard est celui d'Al-Qaïda au Pakistan", a-t-il résumé.
Pour l'ancien chef du renseignement intérieur, le tournant du dossier intervient lorsque Mohamed Merah se rend dans les zones tribales du Pakistan pour se faire adouber par l'émir Moez Garsallaoui, chef du groupe Jund Al-Khalifat, affilié à Al-Qaïda.
"Garsallaoui, marié avec la veuve du meurtrier du commandant Massoud, était identifié par nos services comme un responsable de la formation de commandos opérationnels", a indiqué l'ex-grand flic, regrettant que son contact avec Merah n'ait pas été connu plus tôt.
Selon lui, les séjours d'Abdelkader et de Mohamed Merah dans une école coranique du Caire, prisée des islamistes radicaux, ont pu permettre au tueur toulousain d'obtenir le "blanc-seing" nécessaire pour entrer en contact avec Al-Qaïda.
Interrogé enfin sur le débriefing de Merah à son retour du Pakistan par ses services qui l'avaient jugé inoffensif et avaient envisagé son recrutement comme informateur, il affirme ne pas avoir été au courant de la réunion.
Il affirme également que les demandes de judiciarisation du dossier Merah et la note le ciblant avant la tuerie de l'école juive, adressées par le directeur de l'antenne régionale du renseignement de Toulouse, ne lui sont pas parvenues personnellement. De toute façon, dit-il, il n'y avait "pas assez d'éléments dans le dossier pour le transmettre à la justice".
La justice française est saisie de deux procédures engagées par la famille de l'une des victimes, Abel Chennouf, sur les dysfonctionnements de l'enquête.
Dans la première, le tribunal administratif de Nîmes a donné raison aux plaignants en 2016 en leur accordant 50.000 euros de dédommagement. Mais la cour administrative d'appel de Marseille a cassé le jugement estimant que "malgré des erreurs d'appréciation" et "des méprises", l'État n'avait commis aucune faute lourde susceptible d'engager sa responsabilité. Un pourvoi devant le conseil d'État a été déposé.
Au plan judiciaire, une instruction est en cours à Paris après deux dépôts de plaintes visant à faire condamner la DCRI en tant que personne morale pour "homicide involontaire" et Bernard Squarcini, pour "non-empêchement de crimes et mise en danger de la vie d'autrui". L'ancien patron du renseignement a le statut de témoin assisté.
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