"Avec la gravure, on est proche du dessin, de la bande dessinée. Je ne vais pas dire que Rembrandt est un précurseur de la BD mais ses portraits racontent des histoires", explique Jacques Glénat, ému de faire entrer ces "images âgées de 350 ans" dans le Fonds Glénat pour le patrimoine et la création.
La plupart de ces gravures, 57 exactement, sont issues de l'acquisition au printemps de la collection complète du Britannique Neil Kaplan, qui l'avait axée sur les personnages, les portraits.
Dans la foulée, une vente à Berne a permis de compléter la collection avec des figures féminines et notamment des nus, dont un semble être l'aïeule de la Grande Odalisque, qui naîtra en 1814 sous les pinceaux d'Ingres.
"C'est sans doute une des plus grandes collections privées hors musées", souligne M. Glénat.
Comme l'évoque l'affiche de l'exposition, où figure en son centre un minuscule autoportrait d'un Rembrandt jeune aux yeux écarquillés, "la gravure, c'est du petit format, parfois grand comme un timbre poste". En taille réelle, la gravure en question mesure très exactement 5,1 centimètres sur 4,4 cm.
"Il faut s'en approcher, aller regarder le moindre détail, parfois pas plus épais qu'un cheveu. C'est pour cela qu'on prête des loupes aux visiteurs. Il faut y passer du temps", poursuit Jacques Glénat.
"exercices de style"
Scrutant le "buste d'un homme au turban", le visiteur peut voir un poil rebelle d'une moustache, presque sentir la barbe qui repousse et deviner le soyeux du turban ou la chaleur de la pelisse de fourrure.
Ce rendu est la touche du maître: "Rembrandt imprimait chez lui, bien qu'à l'époque il y avait de nombreux imprimeurs", raconte Ger Luijten, directeur de la fondation néerlandaise Custodia à Paris, qui a conseillé M. Glénat dans ses acquisitions.
Si certains artistes sont plutôt peintre ou plutôt graveur, "Rembrandt était vraiment peintre et graveur". "Et dessinateur, il avait confectionné des albums thématiques", poursuit l'ancien directeur des Estampes du Rijksmuseum Amsterdam, qui s'est penché sur l'inventaire dressé au moment de la faillite de Rembrandt en 1656.
Quelque 7.000 gravures d'artistes avaient alors été répertoriées. "Rembrandt s'entourait de Raphaël, Rubens, Dürer... Il dialoguait avec l'art des autres. Il a trop dépensé pour l'art. Je suis sûr que c'est cela qui l'a mené à la faillite", avance M. Luijten.
L'exposition présente des portraits, des sujets religieux, des nus et des scènes de la vie quotidienne. "Il fait comme Raymond Queneau, des exercices de style", souligne Ger Luijten, "Cette conscience de +faire comme+ ou +dans l'esprit de+, c'est très actuel".
Après lui, nombreux sont les artistes qu'il aura nourris à son tour. Le dessinateur Tardi aurait d'ailleurs dit "on ne peut pas faire un Rembrandt par case" de bande dessinée, tant ces gravures sont des saynètes entières.
"Ca rappelle Crumb", lance un visiteur, en référence au dessinateur américain, figure de proue des comics undergrounds, tendance hilarante.
"Rembrandt était un bon vivant que j'aurais bien aimé connaître", conclut Jacques Glénat.
Ses gravures seront bientôt exposées par roulement dans les anciens parloirs du couvent Sainte-Cécile, qui héberge le siège grenoblois de Glénat, après cette présentation inaugurale tenue jusqu'au 16 décembre.
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