"Si le gouvernement de l'Etat persiste à empêcher le dialogue et poursuivre la répression, le Parlement de Catalogne pourra procéder, s'il l'estime opportun, au vote d'une déclaration formelle d'indépendance qu'il n'a pas votée le 10 octobre", a écrit jeudi Carles Puigdemont dans une lettre adressée au chef du gouvernement Mariano Rajoy, après avoir évoqué la menace de suspension d'autonomie.
M. Puigdemont devait dire avant 10H00 (08H00 GMT) s'il faisait marche arrière dans la voie de l'indépendance.
Dans son courrier il a laissé au gouvernement le choix de prendre en compte le fait qu'il disait plus ouvertement qu'il n'y avait pas eu à ce stade de déclaration d'indépendance dans la région et considérer que cela ouvrait la porte à un apaisement, ou de retenir la menace.
Le gouvernement espagnol a choisi la deuxième option.
"Le gouvernement continuera les démarches prévues par l'article 155 de la Constitution pour restaurer la légalité" en Catalogne, constatant le "refus" de M. Puigdemont de répondre à ses demandes, dit son communiqué, qui annonce aussi la tenue samedi d'un conseil des ministres extraordinaire pour enclencher ce processus.
Bien que le ton soit à l'affrontement cela laisse cependant encore deux jours pour d'éventuelles tractations.
Auparavant le grand journal catalan La Vanguardia, avait souligné la "responsabilité historique" de Carles Puigdemont, l'implorant de choisir l'option que lui proposait le gouvernement depuis mercredi: convoquer des élections régionales anticipées pour repartir à zéro. "Il n'y a pas de dignité dans le suicide collectif, surtout si un seul le décide et tous en souffrent", écrit le journal.
Dans cette région ayant une langue et une culture propres, fière de son autonomie, une suspension d'autonomie pourrait déclencher un "affrontement civil", prévient la Vanguardia.
Les dirigeants catalans estiment que le référendum d'autodétermination qu'ils ont organisé le 1er octobre malgré l'interdiction de la justice leur donne un "mandat populaire" pour déclarer l'indépendance.
Selon leurs chiffres, invérifiables, le "oui" l'a emporté à 90% avec 43% de participation.
Mais la société catalane est profondément divisée, presque à parts égales, sur la question.
Élections régionales?
Une solution pour sortir par le haut de ce blocage évoquée mercredi par de nombreux médias aurait été la convocation d'élections régionales anticipées.
"S'il (Carles Puigdemont) convoque des élections, et selon les modalités envisagées, cela pourrait être considéré comme un retour à la légalité", a déclaré une source gouvernementale à l'AFP.
Mais elle n'était pas sur la table jeudi, d'après le député catalan Joan Tarda, du parti ERC (Gauche républicaine de Catalogne).
Puigdemont sous pression
Il semble difficile de renouer la confiance et le dialogue entre Barcelone et Madrid que réclament les institutions européennes ainsi que de nombreux Catalans de tous bords, jusqu'au puissant FC Barcelone.
Le gouvernement espagnol considère que les séparatistes sont "hors-la-loi" et refuse de discuter tant qu'ils ne font pas marche arrière.
"On ne peut pas dialoguer avec ceux qui violent la loi et la Constitution", répétait encore Mariano Rajoy mercredi devant les députés.
Carles Puigdemont, séparatiste de toujours et arrivé au pouvoir début 2016 en promettant l'indépendance, est, de son côté, tiraillé de toutes parts.
Ses soutiens l'incitent à ne pas reculer, enflammés par le placement en détention provisoire mardi à Madrid de deux figures indépendantistes, Jordi Sanchez et Jordi Cuixart, inculpés pour "sédition".
Des dizaines de milliers de Catalans sont sortis dans la rue mardi soir pour soutenir leurs "prisonniers politiques".
La CUP, parti d'extrême gauche et allié-clé de Carles Puigdemont, l'enjoint aussi de déclarer une république catalane indépendante sans plus attendre.
Elle a déjà convoqué des manifestations jeudi soir et dimanche, avec pour mot d'ordre: "Arrêtons la répression, sortons dans les rues sans peur. Faisons la République maintenant".
D'un autre côté, les milieux économiques exercent une pression maximale sur le président catalan pour qu'il recule.
Plus de 800 entreprises, y compris les deux plus grandes banques catalanes, ont transféré leur siège social hors de la région depuis le référendum, selon le registre du commerce et des sociétés.
Mais surtout, Madrid tient les cordons de la bourse: le gouvernement catalan, dont les finances sont sous tutelle de Madrid depuis septembre, risque de se retrouver à sec fin octobre.
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