Animaux et fleurs d'argent ou d'or illuminent la joaillerie de cet orfèvre de Mompox, une petite ville isolée du nord du pays, bâtie sur une île du fleuve Magdalena et dont la beauté coloniale a inspiré l'écrivain Gabriel Garcia Marquez.
De sa pince, l'artisan modèle ses bijoux, pour la plupart inspirés de la nature. Comme le faisaient avant lui son père et son grand-père. Un travail transmis de génération en génération depuis 1897, comme dans plusieurs familles de cette localité de 43.800 habitants, haut lieu de l'art complexe du filigrane.
"C'est une tradition arabe. Les Arabes l'ont enseignée aux Espagnols qui, lorsqu'ils nous ont conquis, ont apporté cet art en Amérique, et en particulier à Mompox", a expliqué à l'AFP M. Garrido, métis aux cheveux grisonnants âgé de 53 ans.
Aujourd'hui, environ 170 orfèvres travaillent encore l'argent ou l'or comme le faisaient les Andalous qui ont traversé l'Atlantique, selon l'Institut de la culture et du tourisme (Icultur) du département de Bolivar, les Garrido étant parmi les plus réputés.
L'art dans les veines
"Nous avons l'orfèvrerie dans le sang", s'enorgueillit M. Garrido.
A partir de brins d'une extrême finesse, l'artisan crée des bijoux de dentelle métallique.
Le filigrane est partout présent dans les vitrines des 23 joailleries de Mompox, une ville fondée en 1540 et inscrite au patrimoine mondial de l'Humanité par l'Unesco en 1995 pour ses traditions et son style colonial préservés du fait de l'isolement de cette cité située à 250 km de la côté caraïbe.
A Mompox, joyau de l'architecture colombienne, les feux de l'or et de l'argent se mêlent aux couleurs vives des portes, dans une ville où les maisons aux façades ocres sont marquées par le passage des siècles.
"J'adore le dessin de leurs pièces" de filigrane, "quand on va à l'atelier, on se rend compte du travail que cela représente et cela a une vraie valeur", estime Viviana Devia, une habitante de Bogota âgée de 42 ans, qui a acheté une quinzaine de bijoux.
L'atelier de "Tito", comme il est connu des Momposinos, garde un style classique, avec un patio mêlant poutres en bois et fer forgé, qui rappelle le temps où l'or de la conquête arrivait au village. Dans le port de Mompox était alors calculée la part envoyée à la couronne espagnole.
Bien que ses pièces d'orfèvrerie soient mondialement célèbres, la ville n'est pas une terre d'exploitation aurifère. Du temps de la colonisation, Santa Cruz de Mompox, son nom officiel, était un centre de frappe des monnaies, ce qui a conduit les habitants à s'initier au maniement des métaux précieux.
Tradition et patience
"Notre valeur ajoutée, c'est la tradition, le temps, la fragilité entre nos mains, la patience que nous devons y mettre. Car si un orfèvre n'est pas patient, cela ne marche pas", explique M. Garrido.
La vente des joyaux en filigrane, qui selon leur poids se négocient entre huit et plusieurs centaines de dollars sur place, "rapporte au total près de 2,5 millions de pesos (environ 867.000 dollars) par an aux 23 joailleries" de Mompox, a précisé à l'AFP Lucy Espinosa Diaz, directrice d'Icultur.
La création d'un bijou en filigrane prend entre une demi-journée et deux semaines, selon la taille et la complexité du design, précise Jaime Florez, 27 ans, qui travaille depuis l'aube à un bracelet d'argent qu'il espère terminer avant le coucher du soleil.
Il a d'abord défini le style, calculé le poids de l'objet, choisi le métal, qu'il a ensuite fondu. Les fils sont créés lorsque l'argent ou l'or passe de l'état solide à liquide. La pièce prend alors forme.
A Mompox, les coups de marteau se mêlent au bruit des soudures des orfèvres, tandis que perce au loin le murmure du grand fleuve Madgalena.
La petite ville reste hors de l'orbite touristique colombienne en raison de son accès difficile, quatre heures de trajet par le fleuve ou par la route construite il y a seulement deux ans. Mais elle entend bien conserver sa renommée joaillère.
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