À l'entrée du camp de Balukhali, l'une de ces ubiquitaires plaques bleu irisé chauffe au-dessus de l'épicerie de fortune de Kabir Ahmed.
Travaillant dans un élevage de crevettes en Birmanie, cet homme de 46 ans s'est improvisé commerçant depuis son arrivée fin août au Bangladesh pour fuir les violences considérées par l'ONU comme une épuration ethnique.
Le dispositif solaire, relié à une batterie, lui fournit assez d'énergie pour faire fonctionner quatre ampoules et deux petits ventilateurs portatifs.
"Maintenant nous pouvons avoir de la lumière pendant la nuit, et quand il fait vraiment chaud le ventilateur nous procure un peu de soulagement", explique-t-il à l'AFP vêtu d'un simple pagne, épongeant les litres de sueur sur son torse nu à l'aide d'un linge.
Le premier ventilateur est installé au-dessus du comptoir de son échoppe. Malgré la chaleur de bête de la mi-journée, ses pales restent immobiles.
Le second, alimenté via un fil qui part vers la tente d'à-côté et se faufile au travers d'un trou dans la bâche noire, est fixé en surplomb de la modeste natte qui lui sert de couche.
L'ensemble de l'équipement a coûté 7.500 takas (77 euros) à Kabir, financés à l'en croire par le don d'un de ses amis au Bangladesh.
En l'absence de lignes électriques, le solaire constitue une source d'énergie précieuse dans les camps rohingyas où tout manque.
Certains Rohingyas de Birmanie débarquent même au Bangladesh avec leur panneau solaire dans leurs baluchons d'exode. Leur région d'origine, dans le nord de l'État birman du Rakhine (ouest), est isolée et sous-développée: le réseau électrique ne s'étend généralement pas jusqu'à leurs villages.
Des réfugiés rencontrés par l'AFP accusent les autorités birmanes de ne pas réaliser à dessein les investissements nécessaires pour apporter le courant jusque dans les localités rohingyas, communauté musulmane paria dans ce pays à 90% bouddhiste. Toutefois, un Birman sur deux n'a pas accès à l'électricité, principalement dans les zones rurales.
Le solaire "était la seule source d'énergie dans la zone", dit Anwar Sadeq, l'un des fils de Kabir, assis derrière le comptoir de sucettes et de paniers de poissons séchés.
Recharger son portable
Au Rakhine, la famille possédait depuis deux ans un panneau solaire de 20 watts qu'ils ont dû abandonner chez eux dans la précipitation de la fuite. Au Bangladesh, ils ont fait l'acquisition d'un panneau de 50 watts.
Les jours de plafond nuageux, la maisonnée éteint les ampoules tôt pour économiser assez d'énergie afin que les ventilateurs fonctionnent toute la nuit.
"Mais avec la pluie, la chaleur est moins forte", note Kabir.
Les besoins énergétiques des Rohingyas des camps du sud du Bangladesh sont frustes. La cuisine se fait dans des fours en terre cuite nourris par un feu de petit bois.
Quelques cahutes officielles dans les camps ont posé une dérivation sur une ligne électrique et proposent des multiprises pour recharger les téléphones mobiles.
Pour leurs portables, Kabir et sa famille amènent eux le matin une batterie à recharger au marché voisin, qu'ils récupèrent le soir pleine pour un coût de 30 takas (0,30 euros).
Mais tous les réfugiés n'ont pas leurs moyens.
Dans le camp voisin de Kutupalong, Anwara Begum a posé son panneau solaire miniature sur une brique au milieu de l'allée pour qu'il absorbe le maximum de lumière.
La plaque est connectée à une petite batterie au sigle du Haut-Commissariat aux réfugiés de l'ONU, dénichée dans le camp, qui compte une prise pour un portable et un modeste faisceau de chevet.
Dans cette région du monde où le soleil se couche vers 17h30, "ça nous aide beaucoup, nous pouvons dîner avec de la lumière", explique cette femme de 30 ans, arrivée de Birmanie début septembre.
Au bout d'une heure à peine, l'ampoule de la lampe s'éteint, replongeant la tente dans l'obscurité et l'incertitude de Kutupalong.
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