Les 18 gouverneurs du camp présidentiel désignés dimanche ont prêté serment à la mi-journée devant la Constituante, instance dotée de pouvoirs très étendus, en l'absence des cinq élus de l'opposition. "Victoire populaire!", criaient les membres de cette assemblée, tous membres du parti au pouvoir.
"Je félicite les gouverneurs de l'opposition (...) et ils sont officiellement convoqués devant l'Assemblée constituante", a déclaré depuis la tribune la présidente Delcy Rodriguez, sans plus de précisions sur les conséquences d'une non-présentation.
La Table pour l'unité démocratique (MUD), coalition qui rassemble les adversaires au président Nicolas Maduro, a dénoncé dans un communiqué le "chantage de la Constituante frauduleuse", dont elle ne reconnaît pas la légitimité, et annoncé qu'elle refusait d'y présenter ses cinq gouverneurs.
Le gouvernement socialiste a menacé de destituer les élus qui ne prêteraient pas serment devant cette institution qui a notamment confisqué en août les prérogatives du Parlement, seule autorité contrôlée par les adversaires de Maduro.
Mais les cinq élus de l'opposition "ne prêteront serment que devant Dieu et les conseils législatifs (régionaux), et non devant l'Assemblée constituante frauduleuse", a indiqué la MUD, peu avant le début de la session spéciale.
L'opposition est fragilisée par de profondes divisions qui ont été ravivées par sa cinglante défaite dimanche, quand le Parti socialiste uni du Venezuela (PSUV) de M. Maduro a raflé 18 des 23 régions du pays.
Au niveau national, le chavisme - du nom du défunt Hugo Chavez, président de 1999 à 2013 et mentor de Nicolas Maduro - a obtenu 54% des suffrages, contre 45% à ses adversaires.
La MUD a dit mercredi agir selon son "engagement" envers les plus de sept millions de Vénézuéliens qui, selon elle, ont voté lors du plébiscite qu'elle avait organisé en juillet pour rejeter l'Assemblée constituante. Ce scrutin n'avait pas été reconnu par les autorités électorales.
Si ces cinq gouverneurs sont destitués, il n'est pas clair encore s'il faudra ou non organiser de nouvelles élections dans ces régions.
'Nouvelle phase'
"Nous entrons dans une nouvelle phase du conflit. L'aspiration de Maduro, dans ce billard à trois bandes, est de légitimer la Constituante", a déclaré à l'AFP le politologue Luis Salamanca.
Les résultats des élections régionales ont été rejetés par la MUD et mis en doute par les Etats-Unis, l'Union européenne et une douzaine de pays d'Amérique latine, qui ont demandé un audit indépendant.
L'opposition, donnée grande favorite dans les sondages avant le scrutin, a dénoncé des irrégularités dans le processus électoral, comme l'usage de bulletins prêtant à confusion et le déplacement à la dernière minute de bureaux de vote dans des zones où le vote anti-Maduro est majoritaire.
Certaines voix ont toutefois reconnu que le principal fléau avait été l'abstention: "Cela nous a terriblement touchés", a admis Henry Ramos Allup, ex-président de l'Assemblée nationale.
Il a souligné que la MUD avait récolté 4,8 millions de voix dimanche, "3 millions de moins qu'en 2015", date de sa victoire historique aux législatives, alors que le pouvoir est resté stable, avec 5,5 millions de voix contre 5,6 millions lors du scrutin parlementaire.
Dans ce pays pétrolier qui a sombré économiquement avec la chute des cours du brut, l'opposition était pourtant parvenue à mobiliser les foules au printemps pour une vague de manifestations non-stop d'avril à juillet, afin d'exiger le départ de Nicolas Maduro, jugé responsable de la crise.
Les rues sont depuis revenues au calme, reflet d'un probable découragement populaire, et les adversaires du président ont semblé divisés, hésitant entre dialogue et confrontation avec le pouvoir. Un rapprochement en vue de pourparlers, sous la médiation du gouvernement de République dominicaine, avait d'ailleurs été récemment engagé.
L'opposition a écarté tout dialogue avec le gouvernement sans un audit indépendant sur la validité des élections de dimanche.
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