La Commission de l'Emploi et des Affaires sociales du Parlement a adopté à une large majorité un texte qui, par certains aspects, est un peu plus dur que celui présenté par la Commission européenne en mars 2016, mais ne reprend pas pour autant tous les points réclamés par Paris, partisan d'une plus grande fermeté.
"Nous avons adopté un rapport équilibré, qui ouvre la voie à une amélioration de la protection des travailleurs et à une lutte accrue contre le dumping social", s'est en tous cas félicité l'eurodéputée française Elisabeth Morin-Chartier, co-rapporteure de ce texte. La ministre française du Travail, Muriel Pénicaud, a salué "cette étape importante".
C'est assurément une première avancée pour ce projet de réforme, un an et demi après sa présentation, qui vise à moderniser les conditions de détachement des travailleurs qui avaient été fixées en 1996, soit huit ans avant l'élargissement de l'UE à l'Est en 2004.
Au printemps dernier, un délicat compromis entre les 28 Etats membres de l'UE était sur le point d'être trouvé, quand le président Emmanuel Macron a décidé de durcir les positions de la France au grand dam des pays de l'Est. La tension a atteint son paroxysme pendant l'été, où M. Macron a eu des mots particulièrement durs vis-à-vis de la Pologne, principal pays d'origine des travailleurs détachés.
Cette étape franchie lundi, le Parlement européen devra encore, le 26 octobre, définitivement adopter en séance plénière sa position, prélude à des négociations avec les Etats membres.
Les ministres européens du Travail se réunissent quant à eux le 23 octobre à Luxembourg pour tenter de parvenir à un accord entre eux, qui semble peu probable à cette date. "Nous travaillons dur pour y arriver", a déclaré la Commissaire européenne aux Affaires sociales, Marianne Thyssen.
Une fois que ces deux organes législatifs auront arrêté leurs positions pourront commencer les tractations sur un texte final en "trilogue", c'est-à-dire avec la Commission européenne.
Rémunération
Parmi les points majeurs du texte adopté lundi en commission parlementaire, la question de la rémunération du travailleur détaché.
Dans sa proposition présentée il y a un an et demi, l'exécutif européen avait posé un principe simple : une même rémunération pour un même travail au même endroit.
En plus du salaire minimum du pays d'accueil (ce que stipulait déjà la directive de 1996), le travailleur détaché doit toucher toutes les primes prévues pour son travail dans le pays (comme un 13e mois, primes de risque ou de pénibilité, etc).
Le texte adopté lundi par les eurodéputés va plus loin : il demande aux employeurs de ne pas défalquer de cette rémunération les frais de logement, de transport ou d'alimentation. Et que ces remboursements se fassent sur le barême du pays d'accueil. Un élément qui ne plaît pas aux pays de l'Est, mais qui a en revanche les faveurs de la France.
Le texte adopté lundi prévoit, comme dans la proposition de la Commission européenne, que la durée du détachement soit limitée à deux ans.
La France, rejointe par l'Allemagne, les pays du Bénélux et l'Autriche, pousse pour une durée plus courte d'un an.
Sur l'épineuse question du transport routier, les eurodéputés précisent que les chauffeurs seront aussi considérés comme des travailleurs détachés, en attendant qu'une autre législation spécifique au secteur et présentée en mai dernier par la Commission européenne entre en vigueur.
Ce sujet est particulièrement sensible et oppose cette fois, au Conseil, non seulement les pays de l'Est, mais aussi l'Espagne et le Portugal au camp de l'Europe de l'Ouest et du nord, emmené par la France et l'Allemagne.
L'Espagne et le Portugal, qui n'ont que la France comme porte d'entrée sur l'Union, effectuent des opérations de cabotage - une pratique qui consiste à quitter un pays avec un véhicule et à charger puis décharger, à plusieurs reprises, dans un autre pays - dans l'Hexagone et concurrencent les routiers français.
Ces deux pays conditionnent leur soutien à la France sur la réforme du travail détaché à une attitude plus souple envers les routiers.
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