La dernière fois que lui et sa famille ont eu des nouvelles d'Abdukadir Ahmed, le jeune homme avait décidé, avant de rentrer chez lui, de se rendre samedi dans un quartier commerçant et très animé de Mogadiscio, connu sous le nom de K5.
Mais il n'est jamais revenu.
Puis sa famille a entendu la terrible nouvelle: un attentat, le plus meurtrier de l'histoire de la Somalie, avait frappé ce quartier où un camion piégé avait explosé, causant la mort d'au moins 276 personnes, faisant 300 blessés et détruisant une vingtaine de bâtiments, dont un hôtel, un restaurant, une pharmacie, réduisant en cendres les petits stands de vendeurs d'essence qui ont intensifié le brasier.
Abduweli Osman a couru d'hôpital en hôpital. "On l'a cherché partout ces dernières 24 heures (...) et finalement, nous sommes persuadés qu'il est décédé, parce que nous avons retrouvé sa carte d'étudiant", confie à l'AFP Abduweli en pleurant, à l'extérieur de l'hôpital Medina.
"C'est très douloureux de perdre quelqu'un que vous aimez dans une telle tragédie et qu'il ne soit pas possible de retrouver son corps et de lui offrir un enterrement digne", lâche le trentenaire, épicier.
Autour de lui, l'hôpital est surpeuplé. Des habitants en nage courent de salle en salle dans la chaleur accablante de la capitale ou se blottissent contre leurs proches soignés pour des blessures par éclats, des brûlures, des fractures...
Les habitants de Mogadiscio sont tristement habitués à la récurrence d'attentats dans leur ville. Les islamistes somaliens shebab, liés à Al-Qaïda, lancent fréquemment des attentats-suicides dans Mogadiscio et ses environs. Ils ont juré la perte du fragile gouvernement central somalien, soutenu par la communauté internationale et par les 22.000 hommes de la force de l'Union africaine (Amisom).
Mais l'ampleur de l'attaque a choqué les Somaliens, qui sont descendus par centaines dimanche dans les rues de la capitale et ont entamé lundi trois jours de deuil.
- Des corps non identifiés déjà enterrés -
Le souffle, qui a brisé des vitres à près d'un kilomètre à la ronde, a laissé de nombreux corps calcinés ou déchiquetés.
"Je n'ai jamais vécu une explosion aussi meurtrière, c'est comme si elle avait tué tous les gens à la ronde et mis le feu à tous les véhicules autour", rapporte Moalim.
Lundi, des personnes grièvement blessées ont commencé à être évacuées par un avion militaire turc, venu également apporter de l'aide médicale à des hôpitaux débordés, pour les emmener en Turquie.
Une centaine de personnes non identifiées ont déjà été enterrées. Ces funérailles suivent le rite musulman, mais elles sont aussi organisées rapidement car le gouvernement somalien ne dispose d'aucune morgue, ni les moyens de police scientifique afin d'identifier les victimes.
"Le gouvernement a fait tout ce qui était en son pouvoir pour identifier les corps (...) mais l'opération est devenue tellement difficile que nous avons décidé de les enterrer tous en même temps", explique un responsable gouvernemental, Muhidin Ali.
"Ces corps, dans un état effroyable, avaient été acheminés dans des hôpitaux pour être identifiés par des proches, mais la plupart des familles n'ont pas réussi à les reconnaître; l'ampleur de la catastrophe est au delà de ce qu'on peut imaginer en tant qu'être humain", souligne le responsable.
Malgré cette situation, beaucoup d'habitants s'accrochaient encore lundi à l'espoir de retrouver vivants des parents et attendaient, angoissés, dans des hôpitaux. Idil Ado, mère de trois enfants, est désespérément en quête d'informations sur sa nièce, disparue depuis l'attentat. Elle attend sous un arbre avec d'autres membres de sa famille à l'extérieur de l'hôpital Medina.
"Nous l'avons cherchée dans tous les hôpitaux de la ville et nous campons ici, à l'hôpital Medina, depuis hier. On espère toujours obtenir des informations ici, même si c'est pour apprendre son décès...", souffle-t-elle.
Mais pour Ahmed Farah, un secouriste interrogé sur les lieux de l'attentat, les chances de retrouver des survivants sont quasi nulles.
"Je ne pense pas qu'on retrouvera des survivants maintenant, environ 400 soldats ont travaillé avec les équipes d'urgence pour les recherches et (...) je ne vois aucun décombre sous lesquels des gens pourraient encore être en vie", confie-t-il.
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