A Donetsk, grande ville industrielle devenue "capitale" séparatiste, les habitantes peuvent désormais porter des robes en noir, bleu et rouge, les couleurs du drapeau de la "République populaire" autoproclamée par les rebelles à Donetsk (DNR).
Ioulia Morozova, couturière de 27 ans qui fournit déjà le théâtre local en costumes, tente de diversifier son activité. Elle vise désormais la fibre patriotique de ses clientes, attisée par trois ans de guerre qui ont aussi contraint les marques de prêt-à-porter occidentales à fermer leurs boutiques.
Au sein de sa collection exposée dans un parc, une robe tricolore "de soirée" est ainsi ornée, sur la poitrine, d'un imposant aigle blanc à deux têtes, un élément des armoiries d'Etat russe également présent sur la bannière de la DNR.
Une autre, noire, est nommée "Ougoliok" (charbon), un clin d'oeil à la principale matière première de cette région houillère. Elle est vendue avec un foulard aux couleurs de la République autoproclamée.
A côté, une robe rouge aux broderies représentant les armoiries soviétiques - faucille, marteau et gerbes de blé - s'adresse aux nostalgiques de l'URSS, qui ne manquent pas dans la région.
"Nous sommes nés en Union soviétique", justifie la jeune femme.
Si les passants se contentent de se prendre en photo avec les robes parfois extravagantes de Ioulia Morozova, la couturière assure en avoir déjà vendu plusieurs exemplaires. Elle dit avoir reçu des commandes depuis l'Est rebelle mais aussi de Moscou ou des régions russes frontalières de l'Ukraine.
Le conflit opposant les séparatistes et les forces gouvernementales a fait plus de 10.000 morts depuis ses débuts, en avril 2014. Les combats ont perdu en intensité après la signature des accords de paix de Minsk en février 2015, mais des heurts continuent de faire des victimes régulièrement.
Selon certaines estimations, sur le million d'habitants que Donetsk comptait avant la guerre, environ un tiers aurait fui la ville et le pouvoir d'achat de ceux qui sont restés s'est effondré.
Camouflage et dentelle
Autre créatrice locale, Tatiana Protchenko a pour sa part décidé de miser sur la popularité croissante du camouflage kaki dans une collection baptisée "Éclectisme", mise en vente dans une boutique du centre-ville.
"J'ai eu cette idée en 2015. C'était au printemps, des arbres étaient en fleurs, il faisait beau et chaud et en même temps, des obus explosaient et des gens mouraient", se souvient-elle.
"La guerre a eu un grand impact sur cette collection. L'idée est qu'en dépit des hostilités, les habitantes de Donetsk restent tendres et féminines", souligne cette femme brune de 40 ans, qui dessine des vêtements depuis une dizaine d'années et travaillait dans un style plus classique avant le conflit.
Selon elle, la guerre a contraint beaucoup d'habitantes à troquer leurs robes et escarpins contre le jean et les baskets.
Mais grâce à l'accalmie sur le front, "elles ont commencé à choisir des tenues plus douces et nous voulons les aider", ajoute Mme Protchenko, qui marie ses tenues kaki à des dentelles et des étoffes plissées.
Ces nouvelles tendances sont pourtant loin de séduire celles qui préféraient s'habiller chez des marques occidentales populaires, comme Mango ou Zara, qui ont disparu de la région après l'éclatement du conflit.
"Style militaire, motifs pseudo-patriotiques (...), broderies +à la russe+, vêtements de mauvaise qualité: rien de cela ne me plaît", s'insurge Elena, une linguiste de formation, qui a du mal à acheter des vêtements pour elle-même et sa fille de quatre ans: "Mieux vaut laisser ces choses aux militaires et aux hommes politiques!"
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