Abdelkader Merah est accusé d'avoir sciemment facilité "la préparation" des crimes de son frère en l'aidant notamment à dérober le scooter utilisé lors des assassinats de sept personnes, dont trois enfants juifs, entre les 11 et 19 mars 2012 à Toulouse et Montauban. Il lui est également reproché d'avoir été le "mentor" de son petit frère dans sa radicalisation religieuse.
Il comparaît jusqu'à début novembre aux côtés d'un petit délinquant ami de Mohamed Merah, Fettah Malki, accusé d'avoir fourni un gilet pare-balles et un pistolet-mitrailleur uzi utilisés par le tueur au scooter.
Si évoquer la personnalité et les crimes de Mohamed Merah lors des débats n'a rien d'illégitime, son frère étant accusé de "complicité", y consacrer l'essentiel des dix premières journées d'audience a suscité chez nombre d'observateurs un sentiment de déséquilibre.
Un déséquilibre révélateur du double impératif auquel la justice s'est trouvée confrontée.
Celui de répondre à la fois à l'immense attente de l'opinion et des parties civiles, frustrés que le procès de Mohamed Merah, tué par des policiers, ne puisse avoir lieu et celui de conduire le procès de deux comparses présumés qui, à lui seul, ne méritait pas cinq semaines de débats.
Depuis le premier jour d'audience, cette ambiguïté a attisé les tensions et incidents d'audience entre les représentants des familles, satisfaits de voir le dossier évoqué dans ses détails, et la défense qui dénonce une confusion entretenue entre Mohamed Merah et son frère.
'Chienlit'
"Je ne suis pas Mohamed Merah, je suis Abdelkader. Quand on regarde l'acharnement sur ma personne, on dirait que je suis mon petit frère", a lâché vendredi l'accusé à l'issue d'un interrogatoire.
Depuis son box, l'accusé suit depuis le premier jour avec une attention soutenue les débats et répond avec calme et assurance aux questions pendant que son avocat, Me Eric Dupond-Moretti, joue les snipers.
Le ténor du barreau n'hésite pas à couper la parole aux parties civiles, à l'avocate générale et même au président pour dénoncer un écart procédural ou une atteinte au droit de la défense.
"Vous allez finir par nous faire partir. Vous serez bien entre vous. Ce qu'il vous faut, c'est une défense mutique", a-t-il menacé vendredi après une énième altercation avec un avocat des parties civiles qui l'avait accusé de provoquer "la chienlit".
Dans le viseur de l'avocat de Merah figurent notamment les témoignages répétitifs et anonymisés de policiers diffusés en vidéotransmission. Chacun d'entre eux a semblé lire un texte préparé alors que la procédure impose l'oralité des débats.
"Vous n'avez pas participé aux actes. Où sont vos preuves ?", leur a lancé l'avocat.
Pourtant, ces enquêteurs ont au final plus servi la défense que l'accusation.
Ainsi, deux policiers ont repris la thèse du "loup solitaire", l'un deux affirmant que Mohamed Merah "a choisi seul ses cibles, fait seul ses repérages et commis seul ses crimes".
"Vous vous rendez compte que votre témoignage peut conduire à l'acquittement de l'accusé ?", s'est étranglé un avocat de la partie civile.
Un autre enquêteur a reconnu qu'il n'avait pas pu établir qui d'Abdelkader ou Mohamed Merah s'était connecté le 4 mars sur le site internet où figurait l'annonce de vente de moto passée par la première victime et qui a servi à le piéger.
Si la présence des deux frères à un match de football deux heures avant le premier assassinat a bien été confirmée, on ne sait rien de leurs échanges à cet instant.
Enfin, les témoignages et débats sur le vol du scooter utilisé pour les crimes n'ont pas permis d'établir la préméditation, Mohamed Merah ayant, de l'aveu même du propriétaire du deux-roues, profité de la présence des clefs oubliées sur l'engin pour agir.
Ils n'ont pas pour autant exonéré l'accusé de toute implication, même si ce dernier a affirmé avoir été "pris en otage", à savoir mis devant le fait accompli par son frère.
La troisième semaine du procès qui s'ouvre lundi sera notamment consacrée au parcours religieux de l'accusé.
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