"J'accepte ces nouvelles responsabilités avec beaucoup d'humilité", a réagi le "Wunderwuzzi" (enfant prodige) de la politique autrichienne qui va être chargé de former le prochain gouvernement au nom d'un parti chrétien-démocrate (ÖVP) qui était encore au plus bas il y a six mois.
A bout de souffle après dix années comme partenaire minoritaire de coalition de la gauche, cette vénérable formation, pilier de la politique autrichienne depuis la guerre, s'était offerte en mai à ce grand jeune homme au visage adolescent et à la popularité insolente.
Le ton toujours posé, M. Kurz a mis fin dans la foulée à la coalition formée avec les sociaux-démocrates du chancelier Christian Kern, de vingt ans son aîné, provoquant ce scrutin anticipé.
La "Kurzmania" s'est illustrée tout au long de la campagne par la ferveur entourant ses meetings et les longues séances de selfies avec des militants de tous âges.
"C'est lui, rien que lui, la façon dont il aborde les choses est captivante. Il a ouvert le parti à la société civile", témoigne Michael Brandstetter, un jeune supporter conquis. Werner Schwab, 64 ans, apprécie son "calme et sa discipline".
A une Autriche prospère mais insécurisée par la crise migratoire, il a offert une image de modernité et un discours de fermeté sur l'immigration.
Une coalition de M. Kurz avec la formation d'extrême droite FPÖ est d'ailleurs considérée comme scénario le plus probable à l'issue du scrutin, leurs positions s'étant rapprochées au point que le FPÖ a accusé le candidat conservateur de "plagier" son programme.
Ligne dure contre la Turquie
Né le 2 août 1986 à Vienne d'un père technicien et d'une mère enseignante, Sebastian Kurz a déjà un long parcours politique.
Ancien patron de la puissante organisation de jeunesse de l'ÖVP, il est nommé secrétaire d'Etat à 24 ans, avant même d'avoir achevé son cursus de droit. Depuis 2013, il est le plus jeune ministre des Affaires étrangères d'Europe.
Dans ses fonctions, il s'est forgé une stature d'homme d'Etat en côtoyant ses grands homologues internationaux, notamment lors des négociations sur le nucléaire iranien à Vienne en 2015. Une ambiance loin de ses faux-pas de débutant, comme lorsqu'il distribuait des préservatifs noirs (l'ancienne couleur de l'ÖVP) pour vanter le côté "excitant" du parti.
Il est, à l'automne 2015, un des premiers ténors européens à critiquer la politique d'accueil de la chancelière allemande Angela Merkel, prônant - et obtenant - la fermeture de la route des Balkans.
"Nous avons eu raison de fermer la route des Balkans et je me battrai pour que l'axe méditerranéen soit fermé aussi", a-t-il répété tout au long de sa campagne.
Sa fonction régalienne lui a toutefois aussi permis d'éviter de mettre les mains dans le cambouis de la gouvernance quotidienne, selon ses détracteurs, qui ont à plusieurs reprises critiqué le "flou" de son programme.
Le précédent Haider
Il est aujourd'hui appelé à devenir le plus jeune dirigeant d'Europe, devant le Premier ministre irlandais Leo Varadkar (38 ans) et le président français Emmanuel Macron (39 ans).
A la différence de ce dernier, porté à la présidence par un mouvement qu'il avait créé de toutes pièces, Sebastian Kurz a refaçonné à sa main une formation existante, lui imposant une nouvelle couleur (le turquoise pâle) et l'appellation "Liste Kurz".
L'avènement de celui qu'une presse partagée entre admiration et ironie a qualifié de "Messie" ou de "Kaiser" n'est pas sans rappeler Jörg Haider, le flamboyant leader d'extrême droite mort dans un accident de voiture en 2008.
Arrivé à la tête d'un FPÖ moribond, celui-ci en avait fait le deuxième parti du pays, lui permettant d'intégrer un gouvernement conservateur en 2000, tollé européen à la clé.
Si le politologue français Patrick Moreau n'hésite pas à qualifier le jeune dirigeant de "Haider light", M. Kurz n'en reste pas moins un partisan affiché du maintien de l'Autriche dans l'UE et n'a jamais été impliqué dans aucun dérapage raciste.
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