La France a expulsé 13.000 personnes l'an dernier, alors que 91.000 étrangers en situation irrégulière avaient été interpellés. "Nous reconduisons beaucoup trop peu", a récemment affirmé Emmanuel Macron, qui a demandé de la fermeté pour la loi sur l'immigration attendue début 2018.
La récente attaque de Marseille, où deux jeunes femmes ont été tuées par un Tunisien en situation irrégulière qui venait d'être libéré suite à de "graves dysfonctionnements" dans la chaîne de l'éloignement, a indirectement remis le sujet en lumière.
Le ministre de l'Intérieur a depuis promis des moyens, notamment 200 places supplémentaires en centres de rétention.
Mais les pouvoirs publics explorent depuis plusieurs mois d'autres pistes, notamment auprès des pays d'origine. Pour expulser un étranger en situation irrégulière, il ne suffit pas de le mettre dans l'avion: son pays doit reconnaître qu'il est bien l'un de ses ressortissants, et émettre, en l'absence de passeport, un document appelé "laisser-passer consulaire".
"Souvent, on transmet les demandes et il n'y a pas de réponse", soupire-t-on à l'Intérieur. Ou le consulat répond trop tard: la reconduite échoue.
Le taux de réponse dans les délais oscillait entre 30 et 35% au début des années 2010. Le gouvernement ne communique plus aujourd'hui sur les chiffres -- trop contrastés pour être parlants, dit-on au ministère, puisque "entre l'Afrique et l'Albanie, on passe de 5 à 90%".
"On a des difficultés avec presque tous les pays", témoigne sous le couvert de l'anonymat un responsable policier, pour qui "le pire, c'est avec le Mali".
Pour se donner plus de marge, le gouvernement souhaite allonger à 90 jours la durée maximum de la rétention, contre 45 actuellement, selon la première mouture de son projet de loi -- même si, souligne l'association la Cimade qui défend les étrangers, après 12 jours les taux d'expulsion chutent.
"Tour de vis"
Un ambassadeur aux migrations, Pascal Teixeira Da Silva, a par ailleurs été nommé, pour "travailler avec les pays de transit et d'origine" auprès des hommes et des femmes "qui se laissent enfermer" dans l'"impasse" de la migration, selon le porte-parole du gouvernement Christophe Castaner.
Dans ce volet de maîtrise des arrivées, la France compte aussi identifier les réfugiés sur place, avec des missions prochaines au Tchad et au Niger.
Mais l'ambassadeur sera aussi chargé d'"accélérer la délivrance" des documents de retour par les pays "récalcitrants", a fait valoir M. Macron.
Reste à trouver les leviers.
A l'Intérieur, on souligne qu'"il peut y avoir un lien entre la réadmission et d'autres politiques".
L'attribution des visas pourrait ainsi être mise dans la balance, dans le sillage des recommandations de Bruxelles préconisant d'utiliser "tous les instruments d'incitation et les leviers disponibles".
Autre piste: l'aide financière. Un donnant-donnant souvent "tabou" du côté de l'Agence française du développement (AFD), reconnaît-on à l'Intérieur, où l'on plaide pour "flécher les fonds de développement sur des sujets migratoires".
Le fonds fiduciaire d'urgence européen mis en place en 2016 pourrait aussi être sollicité.
Car il faut de l'argent pour obtenir des résultats: l'Espagne a coopéré il y a quelques années de façon "extrêmement généreuse" avec les pays de départ, tandis que l'Allemagne a signé un accord avec la Tunisie comprenant une "grande dimension financière", souligne-t-on à l'Intérieur.
Du côté des associations, cette perspective inquiète. "C'est un chantage à l'aide au développement", affirme David Rohi, de la Cimade.
M. Rohi s'alarme aussi des premiers pas du "laissez-passer européen" permettant à un Etat de l'UE d'émettre lui-même le document permettant l'expulsion, "une substitution de souveraineté".
Avec les contrôles accrus aux frontières, les renvois de migrants vers l'Europe, "cela s'inscrit dans un tour de vis global", affirme M. Rohi. Mais pour lui, "ce système très répressif ne règlera pas les défis migratoires".
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