"Je veux faire une politique sérieuse, pas promettre le pays de Cocagne", assure ce jeune homme au visage adolescent et à la voix toujours posée. "Il est temps" d'un changement, proclame son slogan.
Depuis qu'il s'est jeté à l'eau en mai, prenant la tête d'un parti conservateur (ÖVP) à bout de souffle et mettant fin à dix années de grande coalition avec la gauche, le "Wunderwuzzi" (enfant prodige) de la politique autrichienne a réalisé un sans-faute avec une communication parfaitement maîtrisée.
Il a multiplié les plateaux télé, tenant tête sans jamais perdre son sang froid à ses principaux rivaux, le leader d'extrême droite Heinz-Christian Strache (FPÖ) et le chancelier social-démocrate Christian Kern, de 17 et 20 ans ses aînés, et qu'il devance de six à huit points dans les sondages.
Grand, le costume ajusté et les cheveux châtain clair invariablement coiffés en arrière, cet ancien patron de la puissante organisation de jeunesse de l'ÖVP a su ranimer la flamme des conservateurs en alliant une image de modernité et un discours de fermeté à l'égard de l'immigration.
Une coalition de M. Kurz avec le FPÖ est d'ailleurs considérée comme scénario le plus probable à l'issue du scrutin, leurs positions s'étant rapprochées au point que l'extrême droite a accusé le candidat conservateur de "plagier" son programme.
Ligne dure contre la Turquie
Né le 2 août 1986 à Vienne d'un père technicien et d'une mère enseignante, Sebastian Kurz a déjà un long parcours politique.
Nommé secrétaire d'Etat à 24 ans, avant même d'avoir achevé son cursus de droit, il est depuis 2013 le plus jeune ministre des Affaires étrangères d'Europe.
Dans ses fonctions, il s'est forgé une stature d'homme d'Etat en côtoyant ses grands homologues internationaux, notamment lors des négociations sur le nucléaire iranien à Vienne en 2015. Une ambiance loin de ses faux-pas de débutant, comme lorsqu'il distribuait des préservatifs noirs (l'ancienne couleur de l'ÖVP) pour vanter le côté "excitant" du parti.
Dans une Autriche prospère mais insécurisée par la crise migratoire, il est, à l'automne 2015, un des premiers ténors européens à critiquer la politique d'accueil de la chancelière allemande Angela Merkel, prônant - et obtenant - la fermeture de la route des Balkans.
"Nous avons eu raison de fermer la route des Balkans et je me battrai pour que l'axe méditerranéen soit fermé aussi", a-t-il répété tout au long de sa campagne.
M. Kurz a par ailleurs adopté une ligne dure vis-à-vis du président turc Recep Tayyip Erdogan, faisant de l'Autriche le seul pays de l'UE à exiger la fin des négociations d'adhésion de la Turquie.
Sa fonction régalienne lui a toutefois aussi permis d'éviter de mettre les mains dans le cambouis de la gouvernance quotidienne, selon ses détracteurs, qui ont à plusieurs reprises critiqué le "flou" de son programme.
Le précédent Haider
A la différence de M. Macron, son aîné de neuf ans, porté à la présidence française par un mouvement qu'il avait créé de toutes pièces, Sebastian Kurz a pris le contrôle d'une formation existante qu'il a refaçonnée à sa main.
Exit la couleur noire symbole des conservateurs, remplacée par un turquoise pâle. La mention ÖVP elle-même a été escamotée, au profit de l'appellation "Liste Kurz".
L'avènement de celui qu'une presse partagée entre admiration et ironie qualifie de "Messie" ou de "Kaiser" n'est pas sans rappeler Jörg Haider, le flamboyant leader d'extrême droite mort dans un accident de voiture en 2008.
Arrivé à la tête d'un FPÖ moribond, celui-ci en avait fait le deuxième parti du pays, lui permettant d'intégrer un gouvernement conservateur en 2000.
Si le politologue français Patrick Moreau n'hésite pas à qualifier aujourd'hui le jeune dirigeant de "Haider light", M. Kurz n'en reste pas moins un partisan affiché du maintien de l'Autriche dans l'UE et n'a jamais été impliqué dans aucun dérapage raciste.
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