Lorsqu'elle lui soumet le rôle, Omar Sy ne connait pas Knock. "Je passe pour le mauvais élève", sourit-il, "alors que la réalité, c'est que ce n'était pas au programme de l'école où j'étais et c'était très bien pour elle, parce que son envie était de proposer quelque chose de nouveau".
La pièce de Jules Romains créée par Louis Jouvet en 1923 au théâtre et reprise au cinéma en 1951 se situe toujours dans un village de montagne, mais dans les années 50. Knock débarque dans le bourg paisible peuplé de gens parfaitement bien portants, qu'il va bientôt transformer en malades inquiets et prêts à dépenser sans compter.
De ce point de départ, Lorraine Lévy fait une comédie bon enfant, où Omar Sy, ému par une jeune tuberculeuse, se transforme peu à peu en bienfaiteur du village, au prix de plusieurs inventions du scénario par rapport à la pièce d'origine. Une scène bucolique montre même le bon docteur et sa patiente valser dans les alpages, façon "La Mélodie du bonheur". L'écart ne pouvait être plus grand avec l'inquiétant Louis Jouvet!
"C'est la même base, et on a gardé des répliques délicieuses, mais on était ailleurs et j'avais autre chose à faire", commente Omar Sy.
La réalisatrice a conservé le célèbre "Est-ce que ça vous grattouille, ou est-ce que ça vous chatouille?" mais colore l'univers de Jules Romains de couleurs naïves, et on est plus près de "Jour de fête" de Jacques Tati, avec son facteur truculent (ici l'excellent Christian Hecq) que de "Knock".
Omar Sy endosse avec entrain le rôle et admet qu'il était "aussi rassuré quelque part: il faudrait être complètement kamikaze pour avoir envie de se comparer à Jouvet et ce n'est pas du tout mon cas".
"Il est ... grand!"
Doté d'un casting remarquable (Alex Lutz, Sabine Azéma, Michel Vuillermoz...), le film évacue d'emblée la question de l'accueil qui pourrait être fait à un médecin noir dans un village français des années 50: l'arrivée de Knock/Omar Sy à la gare où l'accueillent l'ancien docteur Parpalaid et son épouse ne déclenche pas d'autre remarque qu'un gêné: "il est... grand!".
"On n'avait pas envie de faire un film sur un médecin noir", souligne Omar Sy. "J'ai été engagé sur Knock en tant qu'acteur et pas en tant qu'acteur noir. Dans le film ça n'avait pas sa place et tant mieux, parce qu'on voulait passer à autre chose."
Le comédien au rire tonitruant devient soudain très sérieux: "Ça suffit, on ne va pas, à chaque fois que je fais un film, aborder le sujet... J'ai beaucoup de choses en moi, on ne va pas s'arrêter là-dessus. C'est bon, je vais avoir 40 ans, j'en ai marre de me justifier."
Installé aux États-Unis depuis 5 ans, Omar Sy tourne aussi beaucoup en France: après "Knock", il est à l'affiche d'une comédie de Rachid Bouchareb, "Le Flic de Belleville" (sortie prévue dans un an) et a participé à un premier film, d'Antonin Baudry, sur les sous-marins nucléaires ("Le chant du loup", avec Reda Kateb et Mathieu Kassovitz).
Cinq ans après la révélation d'"Intouchables", Omar Sy n'est nullement blasé: "ça fait 5 ans seulement que je fais du cinéma avec le luxe de pouvoir choisir, des metteurs en scène qui vous veulent, qui viennent vous chercher", rappelle-t-il. "Je ne suis pas calmé, je fais du cinéma et c'est fantastique!"
Un regret: les réalisateurs français, contrairement aux Américains, ne lui proposent jamais de rôle de "méchant", peut-être influencés par son statut de "personnalité préférée des Français". "Je suis pas du tout fermé à ça! Je jouerais les méchants avec plaisir en fait", lance-t-il dans un rire.
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