A 48 ans, l'ancien "jeune loup" qui avait débordé Haider sur sa droite a abandonné les provocations. Et estime toucher au Graal: un retour du Parti de la liberté d'Autriche (FPÖ) au gouvernement, avec lui au poste de numéro 2.
Après dix ans de grande coalition gauche-droite, la formation est créditée de la deuxième place dans les sondages et apparaît comme un partenaire de coalition quasi incontournable pour le jeune favori conservateur Sebastian Kurz.
Dans les débats télévisés, les deux hommes se sont gardés des propos blessants. Et M. Strache, un prothésiste dentaire de formation, a tout fait pour soigner son image d'homme d'Etat.
"Il apparaît mûri, charmant, responsable et, comme Kurz, présente ses propositions les plus dures en douceur, voire avec humour", s'est étonné le quotidien conservateur Die Presse.
Etre devenu "salonfähig" (fréquentable) n'est pas le moindre succès de ce Viennois issu de la "mouvance néonazie", relève la journaliste Nina Horaczek, auteure d'une biographie de ce tribun aux yeux bleus.
Après avoir testé différents habillages politiques, jusqu'à présenter une candidate ultranationaliste à la présidentielle en 2010, M. Strache a progressivement poli le discours de son parti, écartant les caciques les plus encombrants.
Joueur d'échecs
Une stratégie payante: en décembre, le candidat FPÖ Norbert Hofer a échoué de peu à la présidentielle, avec le meilleur score national jamais enregistré par le parti (46,2%). Et un retour du FPÖ au pouvoir apparaît aujourd'hui peu susceptible de susciter une levée de boucliers internationale comme celle qui avait accompagné son entrée au gouvernement en 2000.
Pour le politologue Thomas Hofer, Heinz-Christian Strache a su "tirer les leçons" de cet épisode. "Il sait qu'il doit apparaître comme un homme d'Etat s'il veut dépasser la barre de 20%", confirme Mme Horaczek.
Mais le FPÖ n'a, sur le fond, rien cédé sur ses fondamentaux xénophobes et eurosceptiques, selon les analystes.
Les allusions régulières au risque d'"invasion de masse" et de "guerre civile" montrent "clairement qu'ils restent radicaux", relève Mme Horaczek. Pour Thomas Hofer, "l'adoption d'un ton modéré relève d'une simple tactique".
"Je jouais aux échecs avec mon grand-père", a dit M. Strache lors d'un débat télévisé, déclarant "toujours calculer plusieurs coups à l'avance".
Le candidat a par ailleurs clairement indiqué qu'il ne souhaitait pas entrer au gouvernement pour y faire de la figuration, réclamant pour son parti les ministères régaliens de l'Intérieur et des Affaires étrangères.
'Incurable'
Né le 12 juin 1969 à Vienne, Heinz-Christian Strache prend le contrôle du FPÖ en 2005, à 35 ans, après avoir acculé Jörg Haider (qui mourra en 2008 dans un accident de voiture) à quitter le parti et à fonder l'éphémère BZÖ.
Affaiblie par sa participation gouvernementale, la formation retrouve des couleurs sous l'impulsion de ce trentenaire habitué des boîtes de nuit et des réseaux sociaux, qui rajeunit son électorat.
De 11% aux législatives de 2006, le parti passe à 20,5% à celles de 2013. Il est aujourd'hui crédité de 27% dans les sondages, un score comparable aux 26,9% recueillis à l'apogée de Haider en 1999.
Le FPÖ a depuis renoncé aux slogans ouvertement xénophobes. Articulée autour du concept d'"équité", sa campagne n'en dénonce pas moins le versement de prestations sociales aux migrants et déclare que "l'islam n'a pas sa place en Autriche".
M. Strache plaide par ailleurs pour un rapprochement de l'Autriche avec le groupe de Visegrad, qui comprend des pays ouvertement eurosceptiques comme la Pologne et la Hongrie.
Malgré les efforts de M. Strache pour lisser l'image du FPÖ, ce parti créé par d'anciens nazis reste "incurable", estime le Comité Mauthausen, une organisation de déportés qui a listé de nombreux dérapages d'élus.
La presse a également rappelé la fréquentation par M. Strache de milieux néo-nazis dans sa jeunesse, publiant notamment des photos le montrant se livrant à des exercices paramilitaires avec des membres du groupuscule interdit Wiking Jugend. "J'étais stupide, jeune et naïf", a plaidé l'intéressé.
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