Constituée moins d'un mois après l'attaque au camion bélier qui a fait 86 morts et plus de 450 blessés sur la Promenade des Anglais, l'association avait été prise en main bénévolement par Vincent Delhomel, un serveur de 50 ans, dépressif et en arrêt maladie depuis l'attentat.
Le parquet avait requis deux ans d'emprisonnement dont six mois avec sursis, et le tribunal correctionnel de Nice l'a condamné au total à 18 mois de prison, dont six avec sursis. Le procès avait été reporté à deux reprises ces derniers mois, le prévenu se faisant excuser pour motif de santé.
Présent le soir de l'attentat, M. Delhomel travaillait dans un bar situé là où le camion utilisé pour l'attentat a calé et où son conducteur a été abattu par la police. A ce titre, il a été reconnu comme victime psychologique.
Propulsé secrétaire général de "Promenade des Anges", il répondait aux sollicitations des médias, l'association peu structurée n'ayant au départ pas de locaux et lui-même était sans le sou. Remplacé depuis fin janvier à la tête de l'association, il était poursuivi pour "abus de confiance" et "recel d'escroquerie" pour avoir versé sur son compte la recette d'une vente caritative de brassards au profit de l'association lors du marathon Nice-Cannes 2016 et présenté des notes de frais indues.
A l'audience, deux versions de ce grand costaud engoncé dans sa doudoune se sont affrontées.
"Un escroc, un voyou !", a tonné l'avocat de l'association, Me Julien Darras, dans un plaidoyer aux accents de réquisitoire.
S'adressant au prévenu tassé sur son banc, les yeux clos, il a accusé: "Quelle conduite indigne ! Nous sommes tous niçois, tous des victimes psychologiques, tous atteints dans notre chair et notre coeur (...) On aurait pu avoir de la compassion pour cet homme-là, comprendre (...) mais on se pose des questions sur la réelle qualité de victime de M. Delhomel. Il donne une version différente à chaque interlocuteur sur ce qu'il a subi cette nuit-là".
'Quelqu'un de fragile'
"C'est quelqu'un de fragile dont le procès était inutile", a contesté Me Zia Oloumi qui a indiqué qu'il ferait appel et fustigé la stratégie du "bouc-émissaire" de la part du parquet.
"Je ne voudrais pas qu'on condamne un homme parce qu'on se sent fautif de ce qui s'est passé et faire croire que tout est fait pour défendre les victimes", a-t-il plaidé, s'indignant qu'on présente son client comme "le dernier des salauds" alors que plusieurs personnes, certaines dans l'assistance, ont attesté de l'attention prodiguée par M. Delhomel après l'attentat.
Sur les faits, M. Delhomel a reconnu avoir remboursé une dette de loyer de 1.150 euros avec l'argent de l'association. C'était, selon lui, en attendant le remboursement des frais par ailleurs engagés.
Epluchant ses notes de frais, la présidente du tribunal Laurie Duca lui a demandé pourquoi il prenait le taxi, et pas le bus ? Pourquoi il dînait seul le soir au restaurant au lieu de rentrer chez lui ? Pourquoi il s'était fait défrayer des tickets de RER pour aller voir sa soeur très malade en région parisienne ?
Elle a ironisé sur une facture de trois cafés à l'aéroport de Nice: "Ce n'est rien trois cafés, à 2,80 euros, mais ce sont des sommes qui correspondent à vos besoins personnels! Vous comprenez que cet argent a été donné par des citoyens choqués par la monstruosité de l'attentat ?". "L'intention de M. Delhomel n'a jamais été de s'enrichir personnellement", a répondu Me Oloumi.
L'association s'est vue allouer 9.600 euros de dédommagement au titre du préjudice matériel et 5.000 euros pour l'atteinte à sa réputation.
"C'est bien beau de faire des monuments, mais lui il m'a toujours aidée", marmonnait une dame à sa sortie du tribunal.
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