Rencontré avant une manifestation devant réunir 2.000 éleveurs, lundi à Lyon, Nicolas Fabre semble désemparé en regardant ses bêtes brouter en liberté sur le plateau du Larzac, dans le sud-est de l'Aveyron.
"Début mai, j'ai perdu deux brebis", raconte cet éleveur de 38 ans installé à Cornus et dont le troupeau de plus de 500 bêtes a été attaqué à deux reprises ces derniers mois.
Quand il les a découvertes, "l'une était morte, et l'autre, blessée, la cage thoracique ouverte et éviscérée. C'est moi qui l'ai euthanasiée", dit-il. La deuxième attaque s'est produite mi-juillet et là encore il a dû euthanasier l'animal dont "il manquait un morceau de gigot".
Quelques kilomètres plus loin, Michel Pons a connu les mêmes déboires, en avril et en septembre. Bilan: cinq bêtes blessées et quatre tuées.
Partout, dans l'Aveyron, les témoignages s'accumulent. Selon la Direction départementale des territoires, 50 attaques présumées de loups ont déjà été répertoriées en 2017, contre 16 en 2016. Le nombre d'animaux tués ou blessés cette année s'élève à 163, contre 91 en 2016.
"L'Aveyron, c'est 800.000 brebis", dit François Giacobbi, éleveur et chargé de ce dossier pour la Chambre d'agriculture du département. "C'est un vrai garde-manger pour le loup", espèce protégée en Europe et dont la présence en France est ardemment défendue par des organisations de protection de l'environnement.
"Mais là où il y a de l'élevage traditionnel, ce n'est pas possible", affirme Michel Pons, en se rendant sur un des "parcours", ces pâturages où les brebis, pour l'instant en pleine période de reproduction, passent la majeure partie de l'année.
C'est une nécessité pour respecter le cahier des charges du fromage Roquefort AC, "fabriqué avec du lait de brebis qui doivent pâturer à l'extérieur", et celui du "label rouge pour les agneaux sous mère", rappelle François Giacobbi. "Et c'est aussi une demande des consommateurs", souligne Nicolas Fabre.
Cet agropastoralisme a d'ailleurs conduit l'Unesco à inscrire ce secteur des Causses et des Cévennes sur la liste du patrimoine mondial.
'Objectif zéro attaque'
Mais Michel Pons doute que ce type d'élevage "dure encore bien longtemps". "Si ça devient un enfer, je ferai autre chose", affirme Nicolas Fabre. Les deux hommes craignent "la constitution de meutes" si rien n'est fait. Pour l'instant, les loups seraient cinq ou six dans le secteur, assurent-ils.
Et rien ne protège de leurs attaques, ni les clôtures, ni les filets, ni les chiens de protection, selon eux. Impossible aussi de surveiller des troupeaux de plusieurs centaines de bêtes pâturant sur des dizaines d'hectares accidentés du Larzac et couverts de chênes, de buis et de genévriers.
Pour la Fédération nationale ovine comme pour la FDSEA de l'Aveyron, la solution passe par un objectif "zéro attaque". Le ministre de l'Agriculture, Stéphane Travert, l'avait lui-même avancé lors d'un déplacement dans l'Aveyron, le mois dernier, sans préciser comment l'atteindre.
La Fédération ovine estime, elle, qu'"il faut pouvoir tirer sur le loup quand il attaque le troupeau", dit sa présidente, Michèle Boudoin. Et cela en dehors de tout quota d'abattages fixé à 40 jusqu'à fin juin 2018.
"Il faut que le loup ait peur de l'homme", argue Mme Boudoin, pour qui les attaques mettent "en danger la ruralité dans plus de 33 départements". "Il faut qu'il apprenne que lorsqu'il s'approche d'un troupeau, il est en danger de mort", renchérit François Giaccobi.
Et Michèle Boudoin de souhaiter un nouveau plan national du loup qui "remette en son coeur l'élevage et les éleveurs".
La précédente version du plan présentée en septembre avait conduit les associations d'éleveurs à claquer la porte de la réunion.
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