Défaits par les forces irakiennes, en fuite ou avant d'être tués dans la riche province pétrolière de Kirkouk, les jihadistes se sont lancés dans la politique de la terre brûlée. Littéralement.
Des puits de pétrole alentour, en feu, s'échappent des colonnes d'épaisse fumée noire. Et "des millions de dollars qui devraient revenir aux Irakiens", répètent à l'envi les habitants des alentours.
Dans cette région au nord de Bagdad, réputée pour ses cultures céréalières et surtout ses pastèques, dont la grosseur a fait leur renommée, des champs ont également brûlé.
Sur le bord des routes qui mènent à Hawija, le dernier centre urbain que les jihadistes tenaient en Irak, des villageois se pressent à chaque passage d'un convoi militaire pour quémander de quoi manger.
Affamés
"Cela fait quatre ans que nous n'avons pas vu du thé ou du sucre", s'emporte Oum Imed, qui parle les larmes aux yeux, en triturant les pans de sa longue robe noire recouverte de la poussière que soulève chaque véhicule qui passe.
"Nos enfants meurent de faim et vont pieds nus", poursuit cette Irakienne. "Seules les familles de l'EI se sont engraissées, car l'EI nous forçait à leur donner plus du quart de nos récoltes".
Une fois dans la ville, la désolation est la même. "Quand l'EI a pris la ville, ils ont utilisé l'hôpital. Mais à l'approche des forces irakiennes, ils ont voulu tout brûler pour que personne ne puisse profiter des infrastructures", affirme à l'AFP Mohammed Khalil, un porte-parole des unités paramilitaires du Hachd al-Chaabi, qui ont pris le contrôle de l'hôpital de Hawija.
En face de la mairie, désormais totalement hors d'usage et où personne ne pénètre de peur qu'elle n'ait était piégée, l'établissement n'a toutefois pas été complètement emporté par les flammes.
A l'intérieur, dans les salles d'examen au sol jonché de débris de verre, comme dans les salles de repos des infirmières, des ordonnances, des prospectus et autres papiers administratifs racontent la vie sous l'EI.
Sur les papiers à en-tête "Etat islamique, Wilaya de Kirkouk", des chefs jihadistes demandent au personnel de traiter au plus vite "le frère Adel, soldat des forces spéciales".
"En fait, eux aussi, ils ne marchaient qu'au piston", glisse malicieusement un combattant du Hachd al-Chaabi.
Mais depuis sa reconquête jeudi par les forces irakiennes, la ville, dont les 70.000 habitants sunnites sont invisibles, est passée aux mains de nouveaux maîtres.
'On les attend'
Au-dessus d'une enfilade d'échoppes du marché central, réduite à un tas de gravats par l'explosion d'une voiture piégée, le Hachd al-Chaabi a planté ses drapeaux en remplacement de celui des jihadistes.
Noirs pour la plupart, ils sont frappés, entre autres, du portrait d'un des petit-fils du prophète, Hussein, l'une des plus importantes figures de l'islam chiite.
Les combattants du Hach al-Chaabi ont joué un rôle important dans la reprise de nombreuses villes à l'EI qui s'était emparé de manière fulgurante en 2014 de près d'un tiers du pays.
Aux côtés de l'armée et de la police, ils ont participé aux opérations pour reprendre Hawija, cité à 230 km au nord de Bagdad, qui déjà sous le régime du dictateur Saddam Hussein, déchu en 2003 lors de l'invasion américaine, était connue pour abriter les groupes sunnites les plus radicaux.
La ville a même été surnommée après l'invasion américaine la "Kandahar d'Irak", en référence au bastion taliban en Afghanistan.
Comme le rappellent les prospectus disséminés dans l'hôpital ou, un peu plus loin au "tribunal" de l'EI, le "jihad" n'est pas une nouveauté à Hawija: des dépliants sur papier glacé sur le "bonheur du martyre" l'évoque. Tout comme d'autres tracts, reprenant des discours d'Abou Moussaab al-Zarqaoui, émir d'Al-Qaïda en Irak, qui combattit la présence américaine en Irak au début des années 2000, avant d'être tué.
"Les gens de l'EI n'ont qu'à revenir", lance, bravache, Oudaï Salmane, carrossier de 35 ans qui a laissé sa femme et sa fillette à Najaf, ville sainte chiite du sud, pour rejoindre le Hachd. "On est là. On les attend".
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